Le réseau de chaînes publiques régionales allemande ARD a enquêté sur le carnage de la place Maïdan, à Kiev, le jeudi 20 février : 30 personnes ont été tuées par balles ce jour-là. Or, selon ARD, des tirs semblaient venir non pas des snipers du pouvoir prorusse, mais de l'hôtel Ukraina où se trouvait le QG de l'opposition.
Sans attendre les résultats de l'enquête sur l'événement, le nouveau procureur général d'Ukraine, Oleg Makhnitski, membre de Svoboda, parti issu du néonazisme qui participe à la coalition gouvernementale, avait affirmé que ce massacre avait été commis par des membres de l'unité spéciale des Berkout, placée sous l'autorité de Viktor Ianoukovitch, qui était alors le Président.
Mais plusieurs éléments soulèvent selon ARD des doutes extrêmement sérieux :
•le témoignage d'un manifestant, Mikola, qui parle de tirs depuis «le huitième ou le neuvième étage de l'hôtel Ukraina» ;
•le témoignage d'un enquêteur, qui remet en cause la version officielle ;
•l'analyse des vidéos qui suggère que des balles sont venues de derrière ;
•l'analyse des impacts de balles dans les arbres ;
•les conversations enregistrées entre les snipers de Berkout : on les entend s'émouvoir qu'un tireur vise «des manifestants désarmés». Ou encore : «Il y a d'autres tireurs. Mais qui sont-ils ?»
•une vidéo de Russia Today dans laquelle on voit des snipers dans une chambre de l'hôtel en question ;
•l'absence de transparence manifeste de l'enquête officielle.
Les journalistes allemands ont posé la question à Makhnitski : «Vous savez qu'il y avait des snipers à l'hôtel Ukraina ? » L'autre se contente de répondre : «Nous enquêtons sur ce point.»
Diffusée le 11 avril, la vidéo a été mise en ligne par LesCrises.fr dans une version sous-titrée en français.
La thèse des Russes renforcée
Le site Russia Today suggère depuis le début que les snipers qui ont tiré sur la foule étaient issus du mouvement contestataire... Début mars, il avait diffusé un enregistrement piraté d'une conversation téléphonique entre la responsable de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, et le ministre des Affaires étrangères de l'Estonie, Urmas Paet, allant dans ce sens.
On entend ce dernier formuler clairement le soupçon d'une opération montée par «quelqu'un de la coalition». Sur cet enregistrement (vers 8'30), il rapporte les propos d'une femme, «Olga», médecin en charge de la clinique mobile au moment des premiers tirs de snipers :
«Ce qui est très perturbant, c'est que cette même Olga dit que les éléments de preuve montrent que les gens qui ont été tués par les snipers, des deux côtés, parmi les policiers et parmi les gens dans les rues... Que ce sont les même snipers qui tuent des gens des deux côtés. [...] Elle m'a aussi montré des photos, on peut dire que c'est la même signature, c'est le même type de balles.
C'est vraiment troublant que la nouvelle coalition ne veuille pas enquêter sur ce qui s'est passé exactement, de sorte qu'il est de plus en plus évident que derrière les snipers, ce n'était pas Ianoukovitch mais quelqu'un de la nouvelle coalition.»
La conversation Paet-Ashton
Le Telegraph de Londres avait par la suite retrouvé «Olga», qui avait démenti avoir dit à Paet que les policiers et les manifestants ont été victimes des mêmes blessures :
«Je n'ai examiné que les manifestants. Je ne sais pas quel type de blessures ont été infligées aux militaires. Je n'avais pas accès à ces personnes.»
Le document diffusé par ARD jette un nouveau soupçon très sérieux sur la manière dont l'enquête est menée par le nouveau pouvoir à Kiev et, au-delà, sur la légitimité de ce pouvoir que soutiennent les gouvernements européens et américain. Seule une enquête menée sérieusement et dans la transparence pourrait dissiper ce soupçon et permettre de retrouver tous les criminels de Maïdan.
Source : Rue89
Le National Emancipé 2014
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