Un rapport de la commission des affaires sociales du Sénat propose de plus fortes hausses du tabac, plus efficaces contre le tabagisme. En revanche, pas de hausse des taxes sur le vin. «Il semble que la fiscalité du vin constitue un sujet tabou sur lequel les marges de manœuvre soient limitées», selon les sénateurs.
Attention, sujet sensible. La question de la fiscalité du tabac, de l’alcool, des sodas ou des huiles refait régulièrement surface. Un rapport d’information de la commission des affaires sociales du Sénat, présenté ce mercredi, s’est penché sur le sujet. Etabli au nom de la Mecss (Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale), ce rapport, présenté par le rapporteur général du budget de la sécurité sociale, le socialiste Yves Daudigny, et la sénatrice UMP Catherine Deroche, porte sur la fiscalité comportementale.
Adopté à l’unanimité par la commission, il ne sera présenté à la presse que le 19 mars prochain. Publicsenat.fr a cependant pu se procurer le texte de présentation du rapport. Il pourrait inspirer la future loi de santé publique que doit présenter en conseil des ministres en juillet la ministre de la Santé, Marisole Touraine. A défaut, il pourrait se traduire par des amendements lors de l’examen du texte qui devrait arriver fin 2014 ou début 2015.
Les sénateurs ont été confrontés à une difficulté : il existe peu de données permettant d’évaluer en matière de santé publique l’efficacité des taxes à visée comportementale. Pour éviter les confusions, le rapport entend différencier les taxes comportementales, comme celles visant le tabac, des autres taxes.
Hausse de 10 % du paquet de cigarette par an pendant 5 ans
Le tabac est responsable de 73.000 décès dans le pays chaque année, pour un coût social qui s’élèverait à 47 milliards d’euros par an, selon une étude citée par le rapport. Les taxes sur le tabac augmentent régulièrement. Mais les sénateurs constatent qu’elles sont peu efficaces sur la consommation, car l’augmentation est trop faible. Entre 2004 et 2011, « bien que le prix du paquet soit passé dans l’intervalle de 5 à 6,20 euros, soit une progression de 25%, les ventes de cigarettes se sont maintenues autour des 54 milliards d’unités », soulignent les sénateurs dans leur présentation du rapport. Pire, les cigarettiers se sont enrichis et l’Etat a engrangé une hausse de ses recettes grâce à l’augmentation en valeur du marché. « Entre 2004 et 2012, le marché est en effet passé de 13 milliards d’euros à 15,5 milliards d’euros, soit une progression de plus de 18% favorable au chiffre d’affaires des fabricants et aux recettes budgétaires de l’Etat », écrivent Yves Daudigny et Catherine Deroche.
Le rapport propose donc des hausses plus fortes, seules susceptibles d’avoir un réelle effet sur la consommation. Les sénateurs proposent ainsi que « le Programme national de réduction du tabagisme, qui doit être finalisé avant l’été dans le cadre du Plan cancer, prévoit une hausse de 10% par an du prix des différents produits du tabac sur les cinq prochaines années. Il s’agit, selon nous, du niveau minimum permettant d’agir efficacement », pensent les sénateurs. Soit, pour le paquet rouge de la marque la plus vendue en France, un passage de 7 euros à 7,7 euros la première année, pour un prix, au bout de 5 années d’augmentation, de 11,27 euros.
Les sénateurs soulignent aussi le poids de la consommation de tabac via les pays transfrontaliers et pointent la hausse de la fraude.
Pas de nouvelle taxe sur le vin, « sujet tabou »
Sur le vin, les sénateurs marchent sur des œufs. Ils savent le sujet cause de polémique. En mai dernier, le JDD affirmait qu’Yves Daudigny pensait à augmenter les taxes sur le vin, avant d’entraîner une levée de bouclier du lobby viticole, y compris au Sénat. Il y a pourtant de la marge. « Le vin, qui représente plus de la moitié de la consommation d’alcool pur des ménages français, ne compte que pour moins de 4% du produit des taxes sur les boissons alcoolisées. A contrario, les spiritieux, qui ne représente qu’un cinquième de la consommation d’alcool pur des ménages, assurent plus de 80% de ces recettes », constatent les deux sénateurs, conscients de la difficulté d’agir sur la fiscalité du vin.
« Reste l’épineuse question de la fiscalité applicable au vin qui, au regard du traitement fiscal appliqué aux autres boissons, fait figure d’exception et nous a valu une levée de boucliers aussi soudaine qu’injustifiée. Il semble que la fiscalité du vin constitue un sujet tabou sur lequel les marges de manoeuvre soient limitées », écrivent les sénateurs dans la présentation du rapport à la commission.
Ils rappellent que 80 départements sont des départements viticoles. Forcément, ça pèse, notamment en terme d’emploi et politiquement. La semaine dernière, la commission des affaires économiques du Sénat a adopté un amendement reconnaissant que « le vin, produit de la vigne, et les terroirs viticoles font partie du patrimoine culturel, gastronomique et paysager de la France ». Dans leur rapport, les sénateurs soulignent aussi que la consommation de vin a été divisée par trois depuis 50 ans. Raison de plus de ne pas y toucher. Le rapport ne propose donc pas de hausse de la taxe sur le vin et se prononce en particulier « contre une taxation au degré dont l’effet sanitaire serait incertain et donc l’impact économique et social serait en revanche considérable ».
Le lobby du vin a-t-il eu raison d’une hausse des taxes ? « Yves Daudigny a mis un peu d’eau dans son vin », commente un membre de la commission. « Le lobby viticole existe autant à l’Assemblée qu’au Sénat. Mais le rapport n’a pas plié sous le lobby des viticulteurs » assure un autre sénateur de la commission. Les auteurs du rapport rappellent qu’en attendant l’alcool serait responsable de 49.000 décès par an.
Produits alimentaires : attention au pouvoir d’achat
Concernant les taxes sur les boissons sucrées, les sénateurs constatent qu’après deux années de mise en œuvre, « nous avons constaté que cette taxe eu d’importants effets sur le marché des boissons rafraichissantes sans alcool et des jus de fruit ». Les premiers prix ont ainsi augmenté de 25%. Mais le rapport souligne que l’impact de cette taxe sur l’obésité n’a fait pour le moment d’aucune évaluation scientifique.
En matière alimentaire, le rapport souligne qu’une hausse de 10% du prix sur les produits comme le fromage ou les plats préparés a un effet sur le portefeuille, notamment « des ménages les plus modestes », « tout particulièrement en période de crise ».
Trop de diversité sur les taxes sur les huiles
On se souvient que le Sénat avait introduit dans le budget de la sécu une taxe dite « Nutella », portant sur l’huile de palme. Dans leur rapport, les sénateurs soulignent aujourd’hui la grande diversité des niveaux de taxe, selon le type d’huile, sans raison apparente ni cohérence. Un kilo d’huile d’olive est ainsi taxé 42% de plus qu’un kilo d’huile de palme. Les sénateurs s’interrogent sur la nécessité de maintenir de tels écarts favorables à certaines huiles. Ils y voient « un avantage compétitif désormais injustifié en terme économique, commercial et sanitaire ».
TVA modulable selon les caractéristiques nutritionnelles
Les sénateurs affirment que « l’application du taux réduit de TVA à tous les produits alimentaires devrait », sauf certaines exceptions, « être revue pour tenir compte des caractéristiques nutritionnelles des différents produits ». Ils soulignent « le cas des sodas qui bénéficient du même taux que les eaux minérales ou les jus de fruits frais ».
Source: Publicsenat.fr via Actuwiki
Le National Emancipé 2014
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