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8 août 2013

Comment devenir une célébrité ? Demandez au président iranien

Peu de dirigeants ont l'honneur de voir leur conférence de presse diffusée en direct, même en dehors de leur pays.

Le président iranien Hassan Rohani, qui a pris ses fonctions dimanche dernier et a commencé son travail par un entretien avec la presse mardi soir, est devenu en l'espace d'un instant une célébrité mondiale. Et, à première vue, il n'a rien dit d'exceptionnel, mais tout le monde réagit en retenant son souffle.


Gentil ou méchant?

Parmi les relatives nouveautés du nouveau président, on pourrait souligner l'idée concernant le maintien de la stabilité dans la région avec l'aide des voisins, ce qui sera une priorité.

Il est à noter la phraséologie de ses propos disant que les Etats-Unis doivent faire une sorte de "pas concret" pour dissiper les soupçons de l'Iran. Sans oublier qu'avec ses allures de gentil grand-père, Rohani est très apprécié par les journalistes accrédités à Téhéran.

Le reste a déjà été dit – en particulier, pendant l'investiture dimanche dernier. A savoir que les Iraniens ont besoin de changements et du progrès, qu'ils veulent être libérés de la pauvreté et de la discrimination.

Et voici un autre message pour les Etats-Unis et ceux qui veulent dialoguer avec Téhéran sur le problème nucléaire: "Les négociations doivent être équitables… si vous souhaitez une réponse positive, alors vous devez parler à l'Iran avec respect, et non pas au moyen des sanctions".

L'Amérique, pour qui l'Iran est depuis longtemps une idée fixe, a déjà donné sa définition au nouveau dirigeant iranien. Pour commencer, on a cessé de le qualifier de réformateur en lui accrochant l'étiquette "conservateur modéré". D'autant que Rohani lui-même a répété le terme "modération" une dizaine de fois sous forme d'une devise du début de son administration.

De plus, les Américains ont reconnu avec joie qu'il n'était pas Mahmoud Ahmadinejad.

La composition du gouvernement proposé par le nouveau président est connue (elle devra encore être approuvée par le parlement). Pratiquement tous font partie des deux cabinets antérieurs à Ahmadinejad, comme si les huit dernières années n'avaient pas existé. Le ministre des Affaires étrangères Javad Zarif a passé la moitié de sa vie aux Etats-Unis, y compris au poste de représentant permanent de l'Iran auprès de l'Onu.

Donc, tout va bien, hormis une particularité des appréciations américaines. Beaucoup de politiciens américains voudraient dire à quel point l'économie iranienne va mal, conséquence des sanctions internationales et unilatérales américaines et européennes.

Les fonctionnaires ne reçoivent pas de salaires, il n'y a pas de devises étrangères pour acheter des médicaments, on s'attend à une pénurie de nombreux produits. L'inflation a déjà atteint 42% au lieu de 32. Sachant que la majeure partie des estimations citées aux USA vient des conseillers du nouveau président.

L'Amérique n'est pas prête

On pourrait croire à tout cela si ce genre d'évaluations ne survenaient pas à chaque fois que les USA, comme à présent, lancent une campagne pour adopter de nouvelles sanctions (le congrès américain suggère précisément de nouvelles sanctions, chose qui a été évoquée à la conférence de presse).

A chaque fois, on entend dans ces situations que l'Iran est mûr, qu'il suffit de presser encore légèrement pour parvenir à ses fins sans recourir à la diplomatie. Alors pourquoi Barack Obama est-il aussi indécis, comme toujours?

D'ailleurs, ces "fins" ne sont pas encore clairement formulées aux USA. Que veut-on de l'Iran? L'abandon de ses programmes nucléaires, alors qu'en 2003, Rohani était le médiateur principal aux négociations sur le problème nucléaire… Quoi d'autre? Qu'il laisse la Syrie à la merci de l'ennemi? Mais qui arriverait ensuite au pouvoir en Syrie?

En fait, on s'imagine difficilement à quel point le nouveau président doit être "gentil" pour que l'Iran et les Etats-Unis rétablissent ne serait-ce que des relations diplomatiques rompues en 1979, après la prise d'otage de diplomates américains durant plusieurs mois, pendant la révolution.

Quoi qu'il en soit, les négociations seront difficiles. D'autant que les appréciations non américaines de la situation économique iranienne sont tout autres : en dépit des sanctions, le pays se développe "normalement et progressivement", bien qu'il existe, certes, un déclin depuis deux ans.

Cependant, cela n'est que l'une des raisons qui laisse croire que Téhéran sera bien plus intransigeant aux négociations qu'on ne le pense, et Obama n'arrivera à aucun résultat vis-à-vis de l'Iran.

Il existe également d'autres raisons, qui se sont révélées dimanche, pendant l'investiture de Rohani.

Le calme à la frontière

Regardez qui est venu assister à cette cérémonie. 52 pays y étaient représentés, mais cela a suffi à l'Iran. Notamment vu la géographie des pays qui avaient envoyé leurs dirigeants à Téhéran.

Le président afghan Hamid Karzaï. Le président turkmène Gourbangouly Berdymoukhamedov. Le ministre turc des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu, et le premier ministre turc Erdogan a téléphoné à Rohani (pour demander de se rendre en visite à Téhéran). Des dirigeants de l'Irak, du Pakistan, etc. Précisément les pays voisins dont le président parlait pendant la conférence de presse.

Cette liste rappelle une réalité très simple. Très récemment, les troupes américaines se trouvaient sur les frontières ouest et est de l'Iran. Aujourd'hui, les voisins ne sont pas seulement des pays où les Américains ne sont plus présents (ou ne le seront plus en 2014), mais ce sont des régimes qui se réjouissent manifestement à chaque occasion de faire quelque chose d'antiaméricain. L'Iran est désormais dans le cercle d'amis, exception faite pour la Turquie.

Sans oublier que c'est la première fois que des invités de plusieurs dizaines de pays assistent à l'investiture d'un président iranien. Par conséquent, Rohani n'est pas Ahmadinejad. Il est plus faible en économie, mais meilleur en termes de situation du pays dans la région.

Non pas que les voisins de l'Iran puissent le prendre en charge, eux-mêmes reprenant leur souffle après la guerre. En revanche, ils sont prêts à discuter avec l'Iran de divers projets en contournant les sanctions.

Le projet de gazoduc avec le Pakistan, avec l'Afghanistan – "rapprocher les pays iranophones"… En fait, en lisant attentivement les discours des invités à la cérémonie, on constate que le thème est clair : soutenir Iran malgré toute sanction.

Le cas de la Turquie est plus compliqué. Avant Ahmadinejad, les relations entre les deux pays étaient correctes, mais aujourd'hui, lorsque la Turquie soutient l'opposition armée en Syrie – ami de l'Iran, tout a changé. Mais… le jeu repart pour un tour. On peut difficilement croire qu'un pays qui a plus de ressources de gaz que la Russie puisse se retrouver inutile pour ses voisins.

Par conséquent, le "gentil grand-père" Rohani ne capitulera pas devant l'Amérique. Mais il peut toujours trouver un terrain d'entente. Et pas seulement avec les USA. Dans les prochains mois, Téhéran deviendra probablement l'un des épicentres de la diplomatie mondiale.

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