Le 19 août 1839, François Arago, illustre savant et homme politique en vue, déclare devant les Académies des sciences et des beaux-arts que l'État français a acheté le daguerréotype, une invention de Louis Daguerre à l'origine de la photographie, afin d'«en doter libéralement le monde entier» !
Trois hommes au berceau de la photographie
Comme il est arrivé bien souvent au temps de leur grandeur, Français et Anglo-Saxons se sont disputé la paternité de cette invention considérable, la photographie.
Celle-ci est au croisement de plusieurs techniques : la «chambre noire», dont les propriétés ont été identifiées dès l'Antiquité, et la fixation des couleurs sur papier par voie chimique. Les Anglais soulignent que les premiers résultats dans ce domaine sont obtenus vers 1800 par l'un des leurs, Thomas Wegwood, fils d'un potier réputé. Il a l'idée d'enregistrer une image produite par une «chambre noire» de son père sur une feuille de papier imprégnée de chlorure d'argent, une substance photo-sensible. Mais il meurt en 1805 avant d'avoir obtenu des résultats satisfaisants...
La solution vient avec Nicéphore Niépce, un Français né à Chalon-sur-Saône le 7 mars 1765 et passionné par la lithographie (impression sur pierre). Il reprend l'idée d'imprégner une plaque d'impression métallique avec du chlorure d'argent mais, pour fixer l'image durablement, ajoute une couche de vernis également photo-sensible à base de bitume de Judée (une sorte d'asphalte).
Dès 1822, il produit de premières «héliographies» qui ont la vertu de ne pas s'effacer au bout de quelques minutes mais c'est en 1826 ou 1827 qu'après avoir exposé une plaque d'étain poli pendant huit heures, il produit la première photo digne de ce nom : une vue (très floue) de la fenêtre de sa maison de Saint-Loup de Varennes.
Vu le temps d'exposition, le procédé n'est pas prêt pour la photographie instantanée mais Niépce n'en a cure : il s'intéresse avant tout à la lithographie.
Là-dessus, voilà que l'inventeur modeste de Chalon-sur-Saône entre en relation, par l'intermédiaire de son opticien, avec un fantasque décorateur de théâtre parisien, Jacques Daguerre.
De vingt-deux ans plus jeune, celui-ci utilise habilement les ressources de la chambre noire dans ses arrangements théâtraux. Il perçoit tout l'intérêt commercial du procédé de fixation des images de Niépce et le convainc de signer un contrat d'association en 1829. Voilà réunies les deux techniques à la base de la photographie !
La mort de Niépce, en 1833, ne met pas fin à l'aventure dont le rythme va même s'accélérer : Daguerre réussit avec des produits ad hoc à ramener les temps de pose à quelques minutes et conçoit en 1837 un appareil de prise de vues qu'il baptise avec modestie «daguerréotype».
Comme il manque d'argent mais pas d'entregent, il convainc l'astronome François Arago (53 ans) de soutenir son projet. Celui-ci s'empresse de jouer de son influence pour pousser l'État à se rendre acquéreur de l'invention puis à «en doter libéralement le monde entier», lors de la séance historique du 19 août 1839.
La France du «roi-bourgeois» Louis-Philippe 1er prend ainsi de vitesse l'Angleterre de Fox Talbot (1800-1877). Ce dernier, qui était en concurrence avec Niépce, mettra toutefois au point un procédé permettant de multiplier les épreuves positives à partir d'un négatif.
Le succès du daguerréotype est immédiat et phénoménal. Sans cesse amélioré, avec désormais un temps de pose de quelques secondes, il prend vite la place des portraits en miniature dans les salons des familles bourgeoises.
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