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23 déc. 2011

Génocide arménien : pourquoi j’ai voté contre la loi

LE PLUS. Salutaire, la loi pour la pénalisation de la négation des génocides ? Pas pour le député UMP Lionel Tardy, qui estime que ce dispositif, en plus d'être illégitime, pourrait devenir dangereux. Il nous explique pourquoi.

Par Lionel Tardy Député de la Haute-Savoie

Nous avons voté jeudi matin une loi pénale qui restreint la liberté d’expression. C’est pour moi le point le plus important. C’est aussi un texte qui entend satisfaire la demande particulière d’une communauté. L’essentiel des intervenants n’a d’ailleurs parlé que de ça, oubliant le premier aspect, ce qui me désole.



Le député UMP Lionel Tardy, à l'Assemblée, le 22 décembre 2011 (JACQUES DEMARTHON / AFP)



La loi illégitime sur les questions mémorielles



Ce que je vois dans ce dispositif, c’est une loi pénale qui ne tient pas juridiquement. Elle ne tient pas la route parce qu'elle vise les génocides définis par la loi. Or, ce n’est pas à la loi de reconnaître un génocide, mais à un juge. Nous sommes dans une démocratie, avec une Constitution que l’on doit respecter. Avant de voter une loi, assurons-nous qu’elle est solide et respecte la Constitution.



Pour le négationnisme de la Shoah, le génocide a été reconnu par le juge, il s’agit du tribunal international de Nuremberg. Ensuite, et ensuite seulement, le législateur a légitimement légiféré et c’est la loi Gayssot de 1990, qui condamne le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Cette loi est légitime parce que l’antisémitisme est un grave problème en France et le négationnisme peut effectivement mener à de vraies dérives. Elle est légitime parce que l’on sait exactement ce qu’il est interdit de contester.



Y a-t-il un racisme anti-Arméniens en France ? Je ne crois pas. Il y a des conflits çà et là, mais on ne légifère pas à chaque conflit. Surtout, on ne fait pas une loi en laissant la porte ouverte, avec une liste non close de choses qu’il est interdit de contester.



La loi n’est pas là pour protéger une vérité officielle, mais pour garantir le respect de l’ordre public par des mesures justifiées et proportionnées. La loi Gayssot de 1990, même si elle a un aspect mémoriel, rentre dans ce cadre, ce qui justifie qu’on la maintienne.




Vote à l'Assemblée pour la loi sur la pénalisation de la négation des génocides le 22 décembre 2011 (JACQUES DEMARTHON/AFP)



Une loi qui restreint la liberté d’expression



Pour préserver l’intérêt d’une communauté, cette loi restreint la liberté d’expression de tous. Je suis personnellement très attaché à la liberté d’expression et je déplore qu’il y ait de moins en moins de débats. Dès que l’on dit quelque chose qui n’est pas admis par certains, on peut se voir menacé d’un procès.



Ça suffit !

Un certain nombre d’associations brandissent cette menace au moindre soupçon de dérapage ou de contestation de leurs thèses. Et c’est très grave. Si tout débat sur un sujet un peu sensible finit devant un tribunal, c’est qu’il y a un problème grave. Or, c’est une dérive de plus en plus fréquente avec laquelle il faut rompre.

Si quelqu’un me dit qu’il n’y a pas eu de génocide des Arméniens, je ne suis pas d’accord car il y a eu un génocide dont furent victimes les Arméniens en 1915. Mais je préfère en débattre et convaincre en argumentant sur le fond plutôt que de faire taire par la loi celui qui n’est pas d’accord avec ma position.

Ce texte est une boîte de Pandore. On ouvre un guichet à toutes les communautés qui voudront demander la consécration de leur vision d’un épisode de l’histoire. Beaucoup savent très bien utiliser les outils du lobbying pour faire avancer leur cause.

Jeudi, nous avons eu un amendement pour reconnaître un génocide vendéen de 1793. Demain, nous aurons une proposition de loi sur le Rwanda − histoire dans laquelle la France n’est pas toute blanche −, ou pourquoi pas une autre sur le massacre de Sabra et Chatila. À partir du moment où une loi aura reconnu que ce sont des génocides, il sera interdit de le contester. Je vous laisse tous imaginer les conséquences de telles propositions de loi…

Beaucoup de députés ne sont même pas venus à l’Assemblée ce matin, pour montrer leur désapprobation. J’ai choisi d’aller en séance, de déposer des amendements et de m’exprimer.

Les Arméniens ont aujourd’hui besoin d’une reconnaissance symbolique du génocide, pas d’une loi pénale. Le génocide a eu lieu il y a 96 ans, il n’y a plus de survivants, ni d’un côté ni de l’autre, il n’y a plus personne à juger.

Oui, il faut aider le peuple arménien à panser cette plaie encore à vif, mais le faire de cette manière est contreproductif et ne rend vraiment pas service aux Arméniens et à la mémoire du drame qui les a frappés.


Propos recueillis par Louise Pothier
Source: lenouvelobs

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