Pièces d'identité, documents administratifs, photos d'êtres chers... les SDF ont désormais un lieu sûr où stocker ces précieux papiers grâce au premier coffre-fort électronique mis à la disposition des sans-abri, cette semaine à Marseille, par la Fondation Abbé Pierre.
"Pour refaire ses papiers, il faut courir à la Poste, à la mairie... ça prend beaucoup de temps, surtout pour moi qui ai un problème aux jambes", confie Philippe, un SDF de 42 ans, heureux de découvrir la borne installée dans la boutique solidarité de l'association, où il vient régulièrement chercher un peu de réconfort depuis 10 ans.
Par peur d'égarer sa carte d'identité - ce qui "lui arrive souvent quand il fait la fête" -, cet ancien docker, invalide après un grave accident, laisse pour l'heure sa carte d'identité chez un ami. Dorénavant, "je serai tranquille, je pourrai me balader avec", se réjouit-il.
L'outil - une tablette tactile associée à un scanner - est "très simple d'utilisation, il est conçu pour que des gens quasiment analphabètes puissent s'identifier", explique Fathi Bouaroua, directeur régional de la fondation Abbé Pierre qui a co-financé ce projet d'un coût de 75.000 euros avec le conseil régional Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca).
Une fois tous les documents de son choix stockés sur le serveur - passeport, livret de famille, certificats médicaux, relevés bancaires... -, les intéressés, munis de leur code personnel, peuvent "les consulter de n'importe quel lieu doté d'un ordinateur et d'une connexion à internet" en se rendant sur le site www.base-fap.com. Ils peuvent aussi choisir de les conserver dans une clé USB sous forme de bracelet.
Petite astuce: si un animateur du lieu d'accueil est présent au moment où les papiers sont déposés, il le signale par une petite roue, attestant ainsi de leur authenticité.
Vingt bornes de ce type vont essaimer dans la région d'ici début 2012, dans des lieux gérés par la Fondation et par d'autres associations (Secours Catholique, Armée du Salut...), avant une extension à Lyon et Valenciennes, puis ailleurs en France.
"Ce n'est pas une révolution extraordinaire, ce type de services existe déjà, notamment à La Poste, mais la nouveauté, c'est la création d'un outil destiné à mettre les nouvelles technologies à la disposition des plus pauvres", souligne M. Bouaroua.
Des pauvres plus exposés que le citoyen lambda aux risques de perte, de dégradation involontaire ou de vol de documents essentiels pour l'accès à leurs droits. Or "quand vous êtes à la rue et que vous êtes étranger, reconstituer vos papiers peut prendre plusieurs années".
"C'est une galère absolue, un chemin de croix pour des gens souvent déstructurés", confirme Jean-Pierre Lanfrey, président du comité régional des bénévoles de la Fondation.
Au-delà des SDF, les populations précaires en général peuvent être intéressées par cette "bagagerie administrative" qui leur permet de "se raccrocher à leur mémoire", estime-t-il, rappelant que "souvent, lors des expulsions, les papiers sont éparpillés dans des conteneurs".
Pour le docteur Michel Bourgat (UMP), adjoint au maire chargé de la lutte contre l'exclusion, cet outil, "incontournable pour les travailleurs sociaux", permettra aussi "un meilleur suivi médical".
Mais son adoption par les sans-abri nécessitera "un gros travail d'accompagnement", prévient Joe, responsable de la boutique solidarité qui expérimente le dispositif. "Il faudra d'abord les convaincre que leurs papiers sont en danger, et ensuite leur donner confiance. Avoir quelque chose qui leur appartient, ce n'est pas dans leur culture".
Source : das-baham.com via afp
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