La ministre veut supprimer la garde à vue de 96 heures pour les escroqueries en bande organisée. Douane et police judiciaire s’inquiètent.
Juridisme ou excès de prudence? La garde des Sceaux, Christiane Taubira, a fait adopter au Sénat, le 24 février dernier, au nom du gouvernement, en «procédure accélérée», un amendement qui ulcère tous les spécialistes de la police judiciaire et des douanes. Insérée dans le projet de loi sur le «droit à l’information dans le cadre des procédures pénales», qui sera examiné à l’Assemblée en avril, cette disposition interdit le recours à la garde à vue de quatre jours dans les affaires d’escroquerie en bande organisée.
Un dossier type? La gigantesque fraude à la taxe carbone dont le cerveau présumé a été arrêté le 10 janvier dernier à Roissy. Elle a conduit à des dizaines d’interpellations de Paris à Tel-Aviv. Les protagonistes sont suspectés d’avoir détourné 6 milliards d’euros, à travers des sociétés écrans ayant ouvert des comptes à Hongkong et Dubaï. Dans ce dossier encore à l’instruction, la collusion avec la mafia, notamment géorgienne, semble si évidente aux enquêteurs qu’ils font le lien avec des séquestrations et plusieurs assassinats récents en région parisienne.
Un rapport récent de la Commission européenne révélait que les seules fraudes à la TVA représentent pour l’État français 32 milliards d’euros de manque à gagner par an. Ce qui place Paris juste derrière l’Italie et ses combinazione (36 milliards d’euros).
Avec l’amendement Taubira, «les grands truands reconvertis dans ces arnaques juteuses, où nous ramassons régulièrement des cadavres, auront droit au même traitement que le simple conducteur arrêté en état d’ivresse, soumis au mieux à 24 heures de garde à vue renouvelables une fois. C’est ahurissant! Il ne se passe pas un mois désormais sans que l’on tente de désarmer les acteurs de l’investigation», proteste Jean-Paul Mégret, numéro deux du Syndicat indépendant des commissaires de police.
Des préoccupations bien différentes
Pour justifier son choix, le gouvernement dit s’appuyer sur une décision du Conseil constitutionnel du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale. Celui-ci avait, en effet, estimé qu’en matière fiscale, mais aussi pour les délits de corruption ou de trafic d’influence, une garde à vue de 96 heures n’était pas proportionnée, puisque ces délits ne portent pas «atteinte en eux-mêmes à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes».
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Le National Emancipé 2014
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