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18 mars 2013

Commerce des armes : les enjeux d'un traité

Les partisans du Traité international sur le commerce des armes conventionnelles (TCA) vont jouer leur va-tout à la fin du mois à New York. Les 193 pays membres de l'ONU ont rendez-vous du 18 au 28 mars pour des négociations de la dernière chance.

L'objectif : réguler le trafic d'armes licite et prévenir le trafic illicite. Faute de consensus, la dernière conférence organisée en juillet 2012 au siège des Nations unies en vue de l'adoption d'un tel traité s'était soldée par un échec après quatre semaines de débats.



Plus de 325 000 personnes ont perdu la vie du fait de la violence armée depuis cette date, déplorent les organisations non gouvernementales (ONG) Oxfam et Saferworld, membres de la coalition internationale Contrôlez les armes.

Depuis 2006, des centaines d'ONG font pression auprès de l'ONU pour la création d'un instrument juridiquement contraignant afin de réguler le commerce des armes, qui tuent près de 2 000 personnes par jour. Alors que le bilan du conflit syrien dépasse les 70 000 morts, selon l'ONU, rien dans le droit international n'interdit à la Russie de livrer des armes à la Syrie. Le commerce des armes classiques, estimé à 100 milliards de dollars en 2012, n'obéit à aucune réglementation internationale.

LES AMÉRICAINS, PREMIERS VENDEURS D'ARMES DU MONDE


L'engagement en faveur du TCA des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU (Etats-Unis, Russie, Chine, France et Royaume-Uni) - par ailleurs premiers exportateurs d'armes - est donc crucial mais loin d'être acquis. C'est une volte-face des Américains, responsables à eux seuls de plus de 30 % des ventes d'armes, qui a fait capoter la conférence de juillet, l'administration Obama estimant à la dernière minute que l'ébauche du document final méritait plus de réflexion. Moscou, Pékin et New Delhi en ont profité pour s'engouffrer dans la brèche et aucun texte n'a pu être adopté.

"En réalité, les démocrates ne voulaient pas polluer leur campagne électorale avec l'adoption d'un traité qui aurait pu peser contre Barack Obama", souligne un diplomate, en référence au contexte de la présidentielle américaine de 2012 et à la campagne menée par le puissant lobby des armes aux Etats-Unis, la National Rifle Association (NRA). Ce dernier se mobilise contre le TCA, arguant qu'il menace le deuxième amendement de la Constitution américaine, qui autorise le port d'armes. Or, le traité n'est destiné qu'au commerce entre nations.

Depuis la tuerie survenue en décembre 2012 dans une école de Newtown, dans le Connecticut, qui s'est soldée par 27 morts dont 20 enfants, "Barack Obama a fait du renforcement de la législation sur les armes à feu une priorité de son second mandat. Il sera intéressant de voir si l'administration américaine sera plus volontariste à l'échelle internationale", commente Jeff Abramson, directeur adjoint de Contrôlez les armes.

En tant que premier fabricant de munitions du monde, les Etats-Unis s'opposent à leur inclusion dans le champ d'application du traité. "Les munitions alimentent les conflits. Sans munitions, les fusils sont réduits au silence", fait remarquer Roy Isbister, de l'ONG Saferworld. Pour bon nombre de pays africains, un traité sans régulation du commerce des munitions n'aurait aucune valeur. Pas plus qu'un traité sans le plus gros exportateur d'armes du monde, pensent tout bas les Européens. Le texte ne couvre d'ailleurs pas les munitions de manière explicite. C'est une énorme lacune, selon Oxfam, qui cite un rapport du Conflict Armament Research de 2012 mentionnant que les munitions livrées par l'Iran sont utilisées dans quatorze pays d'Afrique, mais seulement dans quatre d'entre eux par les forces gouvernementales. Leur vente illégale fait le jeu des rébellions. Autant d'éléments qui n'ont toutefois pas empêché Pékin, Damas et Le Caire de s'allier à la position de Washington.

LES RUSSES, PRINCIPAUX FOURNISSEURS DU RÉGIME SYRIEN

Le plus gros obstacle à l'adoption d'un texte "fort", tel que souhaité par la majorité des 193 pays membres de l'ONU - 157 ont voté pour la tenue d'une conférence finale, 18 se sont abstenus, aucun n'a voté contre -, pourrait venir de la Russie. Selon l'ébauche du projet de traité, les Etats s'engagent à interdire toute vente d'armes présentant "un risque prépondérant" si elles sont utilisées pourcommettre des "violations graves des droits de l'homme", des actes terroristes ou si elles sont détournées au profit du crime organisé.

Moscou est le principal fournisseur d'armes du régime syrien, accusé par l'ONU de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, et entend le rester. La Russie fait partie de la dizaine de pays dits "sceptiques", comme la Syrie, l'Iran, l'Egypteou la Corée du Nord, qui refusent tout traité contraignant. Ils n'ont rien contre un traité destiné à contrôler le trafic illicite, mais invoquent la sécurité nationale pour ce qui est du commerce légal.

Les gros importateurs comme l'Inde, le Pakistan, le Japon ou l'Arabie saoudite fontvaloir, eux, le "droit à la légitime défense". Reste que, si le texte était voté en l'état, souligne Zobel Behalal, du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD), "les transferts qui résultent des accords de défense existant entre la Russie et la Syrie ne seraient pas couverts". C'est là une autre faille du projet de traité pointée par les ONG : les armes vendues dans le cadre d'accords de coopération dans le domaine de la défense seraient exclues du TCA.

Même chose pour les transferts d'armes réalisés sous forme de dons, prêts ouaide militaire, registre dans lequel entrait le 1,3 milliard de dollars offert par les Etats-Unis à l'Egypte en mars 2012. L'Inde et la Chine bataillent contre l'inclusion de ces trois catégories dans le champ d'application.

Cependant, la dernière fois que Pékin s'était opposé à une clause, la pression des pays africains - son principal fonds de commerce - avait eu raison de ses résistances. Le géant asiatique cherchait à protéger les armes légères et de petit calibre du contrôle du TCA. Elles seront finalement visées par le traité au mêmetitre que les sept catégories d'armes offensives majeures couvertes par le registre de l'ONU des armes classiques. "Si la Chine est "à bord", la Russie réfléchira à deux fois avant de se prononcer, par peur de paraître isolée", avance un négociateur occidental.

La crainte des ONG ? Que le texte se réduise comme peau de chagrin, à force de compromis, la règle du consensus étant maintenue à la demande de l'administration Obama. "La vision stratégique du traité sera un point de friction entre les partisans d'un traité fort et ceux qui souhaitent rallier le plus grand nombre, même si la norme est faible", prédit Zobel Behalal.

Un scénario que n'envisage pas le représentant permanent de la France auprès de la Conférence du désarmement, Jean-Hugues Simon-Michel, qui insiste : "Ce texte est perfectible et nous ferons tout pour l'améliorer, mais il faut éviter d'ouvrirla boîte de Pandore alors que nous étions parvenus à un document ambitieux."

Source : Le Monde

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