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21 déc. 2011

Vive les cadeaux moches !

Certains paquets au pied du sapin dissimuleront des chefs-d’œuvre de mauvais goût. Faut-il (se forcer à) en rire ou remettre à sa place l’auteur de cette (in)délicate attention? Anticipons cette éventualité grotesque et tentons de comprendre ce qui se trame au-delà du gag.

- Tire-bouchon «Joie de vivre», sur le site ledindon.com -


«Oh! La sublime souris d’ordinateur en forme de lingot d’or, l’adorable string à la Borat, l’indispensable set de serviettes en papier imprimées de billets de banque…» Pas la peine de triturer les lambeaux de papier cadeau pour vérifier si c’était bien votre prénom inscrit dessus. Il va falloir accepter que cette horreur fasse désormais partie de votre vie.




Pour toujours, si vous êtes sentimental ou atteint dusyndrome de Diogène. Ou bien jusqu’au prochain ménage de printemps, délai de décence oblige. Et si vos états d’âme ne font pas le poids face à l’appât du gain et un optimisme à toute épreuve, vous exhiberez une photo de l’objet indigne sur Le Bon Coin, en attendant qu’un miracle se produise.

Sourire atterré ou fou rire de bon cœur, chacun réagit à sa façon quand il se retrouve au bord du gouffre de la laideur. «Il faut savoir qui a assez d’humour pour apprécier à sa juste valeur le 40e degré», explique Thomas*, 28 ans, offreur de cadeaux moches et chargé d’études sociologiques, qui se livre chaque Noël à un concours de mauvais goût avec ses meilleurs amis.

Le principe est simple: «On fait un repas de Noël et chacun apporte un cadeau moche qu’on tire au sort. Il n’y a pas de limites, ni en mocheté ni en prix. Ça a presque tout le temps une connotation sexuelle, on s’offre des fausses bites, des faux seins, des strings…» Derrière cette propension à l’humour bête et méchant se cache un esprit pratique: «C’est un système qui permet d’évacuer toute forme de jalousie et de différences de goûts», estime Thomas.
Pas avec n’importe qui

Ce petit jeu ne dépasse toutefois pas son cercle d’amis. Pas question d’échanger des cadeaux moches en famille. Thomas ne pourrait «jamais offrir un string à [sa] mère!». C’est avant tout une question de génération et de connivence, souligne la psychologue et écrivaine Maryse Vaillant:


«Ce genre de cadeau s’adresse à un alter ego qui peut en comprendre le message, donc ça ne peut être qu’horizontal, entre frères et sœurs ou entre cousins par exemple. Offrir un cadeau laid à la génération des enfants, c’est une agression, et à celle des parents, c’est une irrévérence. Si on offre à sa belle-mère un cendrier en forme de cuvette de WC avec un étron au fond, elle ne va pas trouver ça très drôle. Un copain de fac, même s’il trouve ça de mauvais goût, en rira.»

De pauvres gosses en ont d’ailleurs fait la douloureuse expérience récemment: à la suite d’undéfi lancé par un animateur télé américain, leurs méchants parents leur ont fait croire qu’ils n’auraient qu’une banane ou un sandwich pour Noël.

Ras-le-bol de Noël ou bonne excuse ?

Offrir des trucs stupides, c’est aussi une manière de faire un pied de nez à l’ode commerciale qu’est devenu Noël, de transgresser cet événement ultra-codifié en revendiquant son originalité. « C’est une façon de se moquer de la société de consommation, estime Vianne*, 19 ans, offreuse de cadeaux moches et étudiante. On est obligé d’acheter des cadeaux, ce n’est même plus un plaisir. Je suis de plus en plus sceptique par rapport à cette fête, quand on voit que les pubs pour jouets passent depuis octobre… »

Sous ses dehors de plaisanterie, le cadeau débile est aussi souvent une bonne excuse pour ne pas s’embêter à chercher quelque chose qui plairait. La journaliste et écrivaine allemande Karen Bofinger, auteur d’un livre aussi étonnant qu’hilarant consacré aux designers qui flirtent avec le mauvais goût, y voit une variation du cadeau de dernière minute:


«Quand on n’a absolument pas d’idée, on tombe vite dans les classiques comme les chaussettes, le thé ou les chocolats. La plupart des gadgets sont impersonnels, on pourrait aussi tout à fait les offrir à quelqu’un d’autre. Ils n’ont malheureusement aucune utilité, comme le thé d’ailleurs, et s’entassent dans un tiroir.»
«Ce peut être perçu comme une offense»

Vianne a pris cette année la résolution de ne plus offrir de cadeaux moches à sa sœur, faute d’avoir fait mouche:


«La première année, elle a rigolé, la deuxième un peu moins et la troisième j’ai vu que ça n’avait pas du tout l’air de la faire rire».

Adieu donc les nains de jardin et les colliers de chien. Il n’est pas rare que le gag tombe à côté: «On ne maîtrise pas toujours les conséquences des cadeaux qui sortent de la norme, explique Maryse Vaillant:


Il ne faut pas oublier qu’à Noël tout le monde régresse, se retrouve dans la position du petit enfant qui attend que le père Noël lui fasse un cadeau approprié. Donc même si on est persuadé que la personne va trouver ça extrêmement drôle, recevoir un cadeau laid peut être perçu comme une offense. Parce que chacun, au moment où il déballe un paquet, s’attend à quelque chose de bien».

Les grands déçus de ce petit jeu un peu pervers sont visiblement nombreux. Sur les forums, les posts désespérés s’agglutinent par milliers autour de l’épineux débat «Faut-il revendre ou pas?», et un «Comité de lutte contre les cadeaux inutiles et moches» a fait son apparition sur Facebook.

Témoin d’une société de surabondance

Le gadget reste lui un bon filon commercial, à voir les nombreux sites de vente en ligne qui quadrillent le web. Chez ledindon.com, le taille-crayon Dans le derrière s’écoule par centaines à l’approche de Noël:

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«Ce gadget marche très bien depuis trois ou quatre ans,explique la direction. Dès qu’on a un article un peu tendancieux mais qui reste bon enfant, comme le tire-bouchonJoie de vivre, en forme d’homme qui a le tire-bouchon à la place du sexe, ça marche très bien. On a aussi des gadgets absurdes qui sont devenus des classiques, comme le Cochon qui vole

Au-delà de ce qu’il dit sur nous-mêmes, le cadeau de mauvais goût est aussi le reflet de la société de surabondance dans laquelle nous vivons. «Il signale le surplus, dans une société d’hyper-consommation où plus personne n’a besoin de rien, analyse Maryse Vaillant. Aujourd’hui les gens ont presque peur d’avoir l’air con en faisant un cadeau utile. Mais je pense que ça ne va pas durer. Avec la crise financière, les gens vont peut-être revenir à de la nécessité.» A quand le grand retour de l’orange?

Annabelle Georgen


* Les offreurs de cadeaux moches ont tenu à ce que leur identité ne soit pas dévoilée

source: slate.fr

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