Alors que depuis plus d’un quart de siècle, le Rafale s’était acquis, bien malgré lui, la fâcheuse réputation d’être l’avion le plus invendable du monde, l’acquisition, à peu de temps d’intervalle – en rafale, pourrait-on dire – par l’Egypte, l’Inde et le Qatar, du modèle-phare des usines Dassault a été saluée à juste titre comme une excellente nouvelle, pour le constructeur, bien entendu, mais aussi pour l’industrie aéronautique française, dont on reconnaissait enfin l’excellence, et dont on assurait la prospérité en remplissant son carnet de commandes pour les années à venir.
Peu de commentateurs ont eu le mauvais goût de s’interroger sur l’usage que feraient les acheteurs d’un chasseur-bombardier a priori peu fait pour les missions humanitaires ou la recherche scientifique.Lorsqu’il y a quatre ans la Russie avait passé commande à la France de deux bâtiments de projection et de commandement du type « Mistral », la presse et l’opinion s’étaient également réjouiesde la conclusion d’un contrat qui assurait la charge de travail de mille salariés des chantiers navals de Saint-Nazaire pour quatre années et qui là aussi valait reconnaissance du savoir-faire français en la matière. Nul ne pouvait cependant ignorer que le Mistral n’était ni un pédalo ni un bateau de plaisance ni un paquebot de croisière, mais bel et bien un navire de guerre.
La « décision » finale du gouvernement français – si je mets le mot entre guillemets, c’est que cette « décision » répond plutôt aux injonctions de l’OTAN, à la pression des Etats-Unis et de certains pays de l’Union européenne qu’à l’intérêt national – de ne pas livrer les deux bâtiments pourtant déjà réalisés par le constructeur et réglés par l’acquéreur est un mauvais coup porté à notre industrie, à notre économie, à notre crédibilité et à nos relations internationales. Elle s’inscrit dans le contexte d’une politique étrangère erronée en tous points.La non-livraison des Mistral donne à penser que notre gouvernement ayant renoncé eu principe de la continuité de l’Etat, le respect des contrats que la France a signés est soumis aux aléas de nos alternances intérieures. Si nous prétendons désormais conditionner nos ventes d’armes à l’emploi qui en serait éventuellement fait, nous pouvons évidemment dire adieu à notre industrie d’armement.Un milliard deux cents millions de dédommagement, l’entretien onéreux de deux bateaux qui, spécialement conçus pour le pays-client et fabriqués en coopération avec celui-ci, nous restent sur les bras, tel est le montant minimal de la note qu’il nous faudra payer à l’acheteur flué. Le filon espéré s’est transformé en gouffre ce manque à gagner vient s’ajouter aux énormes dégâts collatéraux consécutifs aux sanctions prises contre la Russie.
On sait que l’embargo mis par Moscou sur notre industrie agro-alimentaire nous coûte également un milliard d’euros, mais on n’a pas encore mesuré le coût supplémentaire pour nos éleveurs du report de la vente des productions allemande et polonaise sur notre marché intérieur.Et pourquoi cette accumulation de mécomptes, qui tournent au désastre dans l’état où est notre pays ? Parce qu’à Washington, à Berlin, à Varsovie, des politiciens bornés qui en sont restés à l’époque et qui ressuscitent les mentalités et les comportements anachroniques de la guerre froide agitent le spectre d’une résurgence de l’impérialisme russe et divisent en deux blocs un monde qui a pourtant toutes les raisons de constituer un front uni face aux menaces que les nouveaux barbares font peser sur la paix et sur la civilisation.Le dossier ukrainien est-il si explosif et si complexe qu’il soit impossible de le régler par une négociation internationale ? La riposte aux ingérences russes dans le Donbass doit-elle se traduire par un déploiement de forces américaines dans l’Europe de l’Est et par l’extension de l’OTAN jusqu’à l’Oural ? La Russie est-elle un allié naturel ou un adversaire potentiel ? Le traitement, à tous égards contre-productif, que nous lui réservons, est-il justifié ? Il faudra bien qu’un jour nos dirigeants rendent des comptes et nous expliquent pour quelles raisons et dans quelles conditions, sans l’accord du Parlement et sans consultation populaire, il leur est passé par la tête de déclarer la guerre à la Russie.
Dominique Jamet, Vice-Président de Debout la France
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