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25 avr. 2015

Le mythe des relations Washington-Riyad s’estompe devant le risque d’une «guerre froide régionale»

Tandis que l’influence régionale de Washington baisse, au Moyen-Orient, plusieurs pays arabes semblent se réunir autour l’Arabie saoudite, pour une «guerre froide régionale», pour contrer l’influence grandissante de l’Iran.
Le «Council on Foreign Relations», (CFR), vient de publier une analyse de M. Ray Takeyh, Directeur de recherche, au département du Moyen-Orient du CFR, le célèbre think tank américain. Ray Takeyh estime que l’Arabie saoudite, l’allié arabe le plus important des Etats-Unis, dans la région, est en train de préparer une véritable «guerre froide», au Moyen-Orient. 
Nous reproduisons ici un extrait de cet article. 

L’agression militaire de l’Arabie saoudite contre le Yémen est un résultat direct de la nouvelle politique étrangère de Riyad. Avec cette action militaire, l’Arabie saoudite veut confirmer son rôle et son influence, au Moyen-Orient, même avec le recours à l’instrument militaire, pour s’assurer que les intérêts de Riyad seront réalisés, à tout prix, dans cette région. La famille saoudienne a dépendu, pendant plusieurs siècles, du soutien des puissances étrangères : les Saoudiens ont dépendu, d’abord, pendant longtemps, du soutien britannique, et, maintenant, depuis de longues décennies, ils dépendent du soutien tous azimuts des Etats-Unis, pour assurer la sécurité de leur territoire et leurs intérêts régionaux. Mais, maintenant, il semblerait que la famille royale ait décidé de s’appuyer sur ses propres capacités et ressources. 
Pour le moment, il est difficile, encore, d’évaluer le rôle que les Etats-Unis auraient joué, dans la survenance de cette évolution importante, dans la politique étrangère de l’Arabie saoudite. Tandis que l’Arabie saoudite se prépare, manifestement, pour de procahines nouvelles aventures, il semble que l’alliance avec les Etats-Unis, qui, était, pendant longtemps, le point d’appui le plus important de Riyad, sur la scène régionale et internationale, soit en train de perdre, rapidement, de son importance, aux yeux des dirigeants de Riyad. 
Il est certain, pourtant, que les Etats-Unis aident l’Arabie saoudite, au moins, en ce qui concerne la collecte d’informations, pour l’action militaire saoudienne contre le Yémen. En outre, Washington soutient, diplomatiquement, la guerre de Riyad contre les Yéménites. Mais il nous semble que l’Arabie saoudite ne compte, vraiment, plus sur l’alliance stratégique avec les Etats-Unis, et cela, pour plusieurs raisons : Riyad et Washington ont des points de vue opposés, sur plusieurs dossiers du Moyen-Orient, comme les modalités du règlement de la crise actuelle, en Syrie, et le processus des négociations nucléaires entre l’Iran et les grandes puissances. 
Il est certain que ce changement majeur, dans la politique étrangère de l’Arabie saoudite, aura des conséquences non-négligeables, sur les évolutions du Moyen-Orient, région, qui est, d’ailleurs, en proie à la montée du terrorisme et des violences. 
L’alliance stratégique entre l’Arabie saoudite et les Etats-Unis se noua, au début du XXe siècle, suite aux activités des grandes compagnies pétrolières américaines, qui transformèrent le désert d’Arabie, en un foyer mondial de l’énergie fossile. Néanmoins, il a, toujours, existé des problèmes substantiels entre le régime despotique des Saoudiens et la démocratie libérale des Américains, d’où la méfiance constante des dirigeants saoudiens, quant à l’engagement des Etats-Unis à leur alliance avec Riyad, et, surtout, l’engagement de Washington à assurer la sécurité et la stabilité du Moyen-Orient, telles que la famille saoudienne le souhaite. 
Après les attentats du 11 septembre 2001, les liens, qui existaient entre l’Arabie saoudite et les organisations islamistes radicales, ont attiré l’attention des Américains, qui se rendaient compte, aussi, des efforts des dirigeants saoudiens, pour exporter leur propre lecture extrémiste et rigoriste de l’Islam aux autres sociétés musulmanes, dans le monde. Très vite, la révélation des liens financiers, qui existaient entre le réseau Al-Qaïda, d’une part, et, de l’autre, les personnalités et les organisations caritatives proches de la famille royale saoudienne, est devenue la source de véritables problèmes, dans les relations traditionnelles entre la Maison Blanche et la cour saoudienne. 
Cependant, il faut rappeler que l’histoire des divergences de vue entre les Etats-Unis et l’Arabie saoudite est très longue, mais que cela n’a jamais créé une situation de crise, qui puisse finir par la rupture de l’alliance stratégique entre les deux pays. A l’époque de la guerre froide, les Etats-Unis et l’Arabie saoudite se sont ralliés, pour faire bloc au développement de l’influence de l’ex-Union soviétique, dans la région du Moyen-Orient. Le régime saoudien, viscéralement, anti-communiste, déploya tous ses moyens, pour aider les Etats-Unis à empêcher l’influence de l’Union soviétique, au Moyen-Orient. Pendant cette période, les Saoudiens jouèrent un rôle central, dans le soutien aux miliciens islamistes, qui faisaient la guerre contre les Soviétiques, en Afghanistan. La défaite militaire et politique de l’Union soviétique, devant les miliciens extrémistes, soutenus par l’Arabie saoudite, comptait comme l’une des victoires les plus importantes des Etats-Unis et du bloc occidental, pendant la guerre froide.
Aujourd’hui, le Moyen-Orient est, de nouveau, le théâtre de conflits et de divers types de division. Mais cette fois-ci, ces conflits prennent, surtout, la forme de guerres confessionnelles. Une nouvelle guerre froide a éclaté entre l’Arabie saoudite et l’Iran, au Moyen-Orient. Les signes de ce nouveau conflit sont, clairement, à constater, à Bahreïn, en Irak, en Syrie, au Liban et, récemment, au Yémen. Cette fois-ci, les victoires des populations chiites, dans la région, semblent avoir changé la donne, au niveau régional, en faveur de la République islamique d’Iran. Or, l’Iran n’a même pas eu besoin d’intervenir, dans les affaires intérieures des pays, comme Bahreïn ou le Yémen, pour que les choses tournent en sa faveur, dans ces pays, où il y a d’importantes communautés chiites. 
Tandis que la région du Moyen-Orient vit, aujourd’hui, des changements radicaux, on dirait bien, aussi, que les Etats-Unis sont, fermement, décidés à rester à l’écart de ces conflits régionaux. Le pétrole du Moyen-Orient n’a plus l’importance qu’il avait, autrefois, sur la scène de l’économie mondiale. D’ailleurs, il ne semble pas, non plus, que les Etats-Unis soient, particulièrement, inquiets de la dégradation des relations qu’ils entretiennent avec certains pays de la région, qui comptaient, autrefois, parmi les alliés les plus importants de la Maison Blanche, au Moyen-Orient. En outre, les Etats-Unis dépendent moins des bases militaires de certains pays du Moyen-Orient, car, aujourd’hui, les Américains peuvent, très facilement, mener leurs opérations contre les organisations terroristes du Moyen-Orient, en se servant de leurs drones, sans avoir besoin d’une présence militaire renforcée, dans certains pays de la région.
Tandis que les Etats-Unis réduisent leur rôle, dans la région du Moyen-Orient, il y a des pays arabes, qui se réunissent autour l’Arabie saoudite, pour se préparer à une nouvelle «guerre froide», dans la région. L’Arabie saoudite est la pièce centrale de cette nouvelle alliance régionale, dont le but est de contrer l’influence grandissante de la République islamique d’Iran, en se servant de la richesse des pays, comme l’Arabie saoudite et le poids des Etats, comme l’Egypte. 
Pourtant, il semble indispensable que, pour réussir à assurer leurs but, les dirigeants de l’Arabie saoudite seront obligés d’utiliser leurs forces militaires, pendant cette guerre régionale, qui devait rester «froide». Depuis quatre ans, l’Arabie saoudite est intervenue, militairement, dans les affaires intérieures de deux de ses voisins, Bahreïn et le Yémen. Cela veut dire que l’Arabie saoudite sera, également, obligée de moderniser ses forces armées et de leur offrir de nouvelles formations militaires. 
Au-delà de toutes les ambitions des dirigeants saoudiens, il faut souligner ici l’intérêt que Riyad manifeste, depuis quelques années, à se doter de la technologie nucléaire. Autrefois, l’Arabie saoudite se sentait à l’abri de tout danger, car elle se mettait, tranquillement, sous le parapluie sécuritaire des Etats-Unis. Mais de plus en plus, le mythe des relations stratégiques entre les Etats-Unis et l’Arabie saoudite s’estompent. Les dirigeants saoudiens ne se sentent plus autant en sécurité. Le XXe siècle était une période d’insécurité et de changements politiques brutaux, pour les pays du Moyen-Orient, mais, au début du XXIe siècle, il semble que ces crises de sécurité s’aggravent encore. La famille royale saoudienne croit que, cette fois-ci, elle doit établir, elle-même, la sécurité et la stabilité du Moyen-Orient, telles qu’elle les souhaite. Dans ce sens, les dirigeants saoudiens semblent être, tout à fait, prêts à se passer de l’appui traditionnel que leur offraient les Etats-Unis. Une période difficile s’annonce, donc, pour la famille saoudienne.

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