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17 mars 2013

Derrière le label Anonymous, des "pirates" peu chevronnés

Devant la 12e chambre du tribunal correctionnel de Paris, les trois jeunes hommes qui comparaissent, jeudi 14 mars, ne font pas les fiers. L'un avoue avoir agi "par stupidité" alors qu'il était "un peu ivre", l'autre était un peu "agacé", le dernier avait"les boules". Tous sont allés sur Internet, le 20 janvier 2012, pour se renseigner sur les actions de protestation mises en place par les Anonymous, une nébuleuse internationale de pirates informatiques, après la fermeture du site de téléchargement illégal MegaUpload par le FBI.

Quelques clics plus tard, ils participaient à une attaque massive contre le site du ministère de la justice français, désigné comme cible. Ils lui ont envoyé entre 37 000 et 150 000 requêtes, entre le 20 et le 21 janvier 2012. De quoi le faire méchamment "planter".


"Est-ce qu'ils font partie de la mouvance Anonymous ? Non, assure l'enquêteur de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) au tribunal. Ils sont mécontents, ils ont vu qu'Anonymous faisait des actions. Ils nous ont dit : "J'étais un mouton, j'ai suivi"." Ces moutons fournissent le gros du troupeau des dossiers judiciaires Anonymous. Des chômeurs, des étudiants, qui passent un peu trop de temps devant leur écran. Deux grosses affaires sont toujours à l'instruction à Paris : une attaque contre le site d'EDF, en avril 2011, et le piratage des sites immigration. gouv.fr, rgpp.modernisation. gouv.fr et d'un syndicat de policiers, fin janvier 2012.

Le combat est difficile. Car les Anonymous sont avant tout "une étiquette et un concept", explique la DCRI dans le dossier EDF. "J'ai rejoint les Anonymous, jevous précise cependant qu'il est difficile de parler d'adhésion au groupe des Anonymous, car il n'y a pas réellement d'adhésion à ce groupe, n'importe qui peutaller sur un chan IRC [canal de discussion] dédié aux Anonymous et considérer qu'il fait partie du groupe", explique un mis en cause. Judiciairement, c'est la pire des configurations : pas d'organisation, pas de leader, et des difficultés techniques pour identifier des auteurs qui peuvent se compter par centaines.

Les "pirates" qui se laissent prendre sont ceux qui se protègent le moins. "Je pensais à des hackeurs, des super informaticiens, des petits Einstein du Web. En fait, c'est Mme Michu fait de l'informatique", résume avec humour Me Daniel Merchat, l'avocat du syndicat de policiers Unité SGP Police, dont le site a été piraté les 27 et 28 janvier 2012. Les données personnelles de 541 adhérents du syndicat ont été divulguées. Et encore, dans ce dossier, l'attaque relativement élaborée a mené les policiers sur la piste de suspects plutôt calés. Ça ne les a pas empêchés de se répandre sans prudence sur leurs prouesses. "Ils sont dans la vanité, se prennent pour des dieux. Sur le Net, ils racontent leur vie, ils sont persuadés que le système effacera les traces, qu'ils seront impossibles à identifier", ajoute Me Merchat. Tous risquent pourtant jusqu'à cinq ans de prison et 75 000 euros d'amende pour "collecte illégale de données à caractère nominatif"et "accès et maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données". Ils affirment avoir voulu protester contre la mise en examen, le 26 janvier 2012, d'autres membres de la mouvance, accusés, eux, du blocage du site d'EDF, en avril 2011.




L'affaire EDF est exemplaire. Elle implique des dizaines d'internautes, et les policiers et les magistrats ont déployé les grands moyens. Pour un maigre résultat : deux mises en examen. Comme pour justice.fr, un grand nombre de personnes ont envoyé des milliers de requêtes à l'adresse visée, dans le but de saturer les serveurs. Il n'y a donc pas d'intrusion, ni de piratage de données. N'importe qui peut participer.

Derrière l'attaque, il y a bien les Anonymous, et l'"Operation Greenrights" lancée après la catastrophe de Fukushima contre les compagnies d'électricité. Un "Manifeste" est retrouvé sur la Toile par la DCRI. Ce texte participatif - des dizaines d'internautes y ont mis leur patte - appelle à battre "les puissantes multinationales de l'énergie".

Mais la plupart des adresses IP relevées sont situées à l'étranger, et la DCRI doit se rabattre sur les quelques Français identifiables. Une fois retranchés, les citoyens lambda dont l'ordinateur ou la connexion ont été usurpés, il ne reste plus grand monde. Deux hommes et une femme sont placés en garde à vue le 24 janvier 2012. L'un est l'administrateur de canaux de discussions sur lesquels l'opération a été évoquée. Les deux autres sont accusés d'avoir participé à l'attaque.

Ils ont découvert Anonymous... à la télévision, dans des reportages sur Canal+ ou France 2. L'envie d'appartenir à une communauté fait le reste. De fil en aiguille, Nathalie F., "quadragénaire isolée" au chômage et mère de deux adolescents, devient très active. Elle diffuse les mots d'ordre. De son côté, Mathieu O., étudiant en BTS de technicien du son, réalise des "vidéos de propagande". "Mes motivations étaient de protéger ma planète en disant qu'il fallait utiliser moins denucléaire en France et stopper les OGM", explique-t-il aux enquêteurs.

L'attaque d'EDF ? "Fukushima m'a bouleversée", explique Nathalie F. Au final, elle est relâchée. De toute façon, elle a tout arrêté après avoir "noté la présence dans le mouvement Anonymous, dans les groupes Facebook, d'une forte population de confession musulmane qui a tendance à véhiculer une propagande antioccidentale".

Tous regrettent amèrement. "A la vue de ce que vous me dites, c'est une catastrophe, car le but, ce n'est pas d'emmerder le monde mais de faire passer un message à la société visée", s'excuse Mathieu O. "C'est une des actions que j'ai trouvée la moins glorieuse du mouvement, d'ailleurs cette action a été décriée par certains", explique l'un des mis en examen pour le piratage d'Unité-SGP.

Jeudi, le tribunal correctionnel a condamné les trois prévenus de l'attaque du site du ministère de la justice à quatre et cinq mois de prison avec sursis et 300 euros d'amende, sans inscription au casier judiciaire. A la sortie, soulagés, les trois hommes sont encore un peu sonnés. Sans rancune, les policiers de la DCRI saluent le plus jeune, entouré de ses parents, avec un sourire bienveillant : "Allez, j'espère qu'on ne vous reverra plus !"

Source : Le Monde. 

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