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12 févr. 2012

Les banquiers se cachent pour pleurer

Je vais organiser des séances de pleurs pour les banquiers (2 secondes juste pour la forme) suivit de 5 minutes d’applaudissements car finalement, on ne va pas trop les plaindre non plus… Dans cet article du journal lemonde.fr, ils cherchent presque à nous apitoyer… Pas de pitié, ils n’en ont aucune avec nous!


Enquête – Surmenages, dépressions, burn-out… Devenu l’ennemi public n° 1, le monde de la finance fait sa crise. Mais rechigne encore à lâcher ses chers bonus. Par Louise CouvelaireAvec sa silhouette dégingandée, son long visage émacié, son bonnet noir qui lui barre le front et sa veste en jersey qu’il zippe jusqu’au menton, Vincent (le prénom a été changé) a des allures d’adolescent mal dans ses baskets. Sa démarche est singulière, maladroite, un peu comme s’il était monté sur ressorts. Il a 50 ans, des mains qui tremblent et une écriture minuscule et nerveuse. Sur une feuille de papier blanc, il a griffonné quelques notes. Quelques mots pour ne surtout rien omettre, pour tout dire de sa descente : banque, succès, bonus, crise, pression, épuisement, injustice et, enfin, hôpital psychiatrique. Il ne devait être interné que deux semaines, le temps d’une cure de sommeil. Il y est resté plus de six mois et ne s’en est toujours pas remis. Vincent n’est jamais retourné à son bureau, pas même pour y prendre ses affaires. Cela fait près d’un an qu’elles attendent dans des cartons. » J’étais convaincu que j’y retournerais vite, en pleine forme, avec une explication toute prête pour justifier mon absence auprès de mes collègues « , dit-il. Mauvais calcul. » Je suis usé « , souffle-t-il.

Il n’y a pas si longtemps, Vincent était une star que le monde de la finance s’arrachait : il est ingénieur mathématicien. Diplômé d’une grande école (Centrale ou Polytechnique, il ne le dira pas), il est devenu actuaire. Pendant plus de vingt ans, il a calculé, évalué, prédit, analysé et modélisé les impacts financiers du risque, avec trois objectifs en tête : maîtriser l’aléatoire, minimiser les pertes et dégager un maximum de bénéfices. Entré sur le marché du travail à 23 ans, il a connu l’âge d’or de la finance dans les années 1980 et 1990, la grande époque de la déréglementation. Les financiers rois, les salles de marchés triomphantes, les salaires et les bonus délirants. Il était respecté. Il n’avait jamais eu à chercher du travail ; les banques venaient à lui. Mais ça, c’était avant 2008. Avant la crise, avant que la majorité de son équipe soit licenciée, qu’il se retrouve seul à abattre le boulot et qu’on exige de lui les mêmes résultats, voire plus.

Au pays de la banque-casino, la vie rêvée des financiers a tourné au cauchemar. Pression, anxiété, insomnie, épuisement, licenciements, impopularité… Certains sont aujourd’hui sur le fil. Après plus de trois ans, ils sont de plus en plus nombreux à consulter des psychologues, engager des recours juridiques pour cause de stress, licenciement abusif ou encore non-paiement des bonus, et à quitter le métier, de gré ou de force. Un matin, Vincent s’est levé, a pris sa douche, avalé son café puis enfilé son costume. Debout, prêt à partir, face à la porte d’entrée, il est resté là, figé, paralysé, incapable de faire un pas de plus. Cela faisait des jours qu’il ne dormait plus, des mois qu’il était au bord du précipice, à bout de forces et de nerfs, repoussant chaque minute un peu plus ses limites. Il a fini par craquer : Vincent a fait un burn-out, un syndrome d’épuisement professionnel, comme disent aussi les psys. » J’ai honte, confie-t-il. Honte de ne pas avoir tenu le coup, de n’avoir pas pu revenir… Presque personne ne sait ce qui m’est arrivé et je ne le dirai jamais. « Au chômage, il arrive en fin de droits. Au pied du mur, il doit retrouver un emploi. Il y a deux ans encore, il animait des séminaires pour les grands patrons du CAC 40. Aujourd’hui, personne ne veut de ce quinqua cabossé qui a tout perdu-, dans l’indifférence générale.

Face aux Lejaby et aux Petroplus, les naufragés de la finance ne font pas le poids. Qui pourrait s’émouvoir du sort réservé à ces princes déchus qui s’en sont longtemps mis plein les poches et n’ont jamais fait leur mea culpa ? Ils paient pour leurs excès et leur arrogance, leur propre indifférence au monde extérieur et leur omnipotence. Les seigneurs d’autrefois sont devenus des parias qui essuient les tirs croisés de l’opinion publique, des médias et des politiques. Pour la première fois, le 24 janvier, le président du conseil d’administration de BNP-Paribas, Baudouin Prot, s’est dit » fatigué « par les attaques contre les établissements financiers. Certains banquiers en sont venus à taire leur véritable profession. » Ils préfèrent mentir plutôt que de se faire insulter « , raconte Cary Cooper, professeur en psychologie à l’université de Lancaster, au Royaume-Uni. Les discours antifinanciers font recette. Le monde entier les montre du doigt et les condamne. Nicolas Sarkozy a déclaré que la finance » pervertissait « l’économie et a annoncé une taxation sur les transactions financières. Le candidat socialiste à la présidentielle François Hollande, au cours de son premier grand meeting de campagne, au Bourget (Seine-Saint-Denis), dimanche 22 janvier, a désigné cette finance » sans nom et sans visage » comme » son véritable adversaire « . A Londres, capitale européenne de la finance, le premier ministre David Cameron a raillé les décisions de Nicolas Sarkozy et s’est agacé des propos vindicatifs de François Hollande. Mais il a, lui aussi, lancé une croisade en faveur d’un capitalisme » moral « et » populaire « . Il veut encadrer les bonus, accroître le contrôle des actionnaires et mettre en place une régulation sévère. L’Europe, elle, menace de légiférer pour limiter la rémunération des banquiers. Aux Etats-Unis, le président Barack Obama soutient les » indignés » et promet régulièrement de mettre Wall Street au pas, même si la loi votée en ce sens, en 2011, n’a guère changé les pratiques.

Vincent a fait un burn-out, un syndrome d’épuisement professionnel, comme disent aussi les psys. Eric Percher » Beaucoup sont détruits et épuisés, ils subissent une pression infernale, raconte Francis Vergnaud, un ancien trader devenu délégué syndical SNB (Syndicat national de la banque et du crédit) chez Natixis. Hier, ils étaient les rois du monde, aujourd’hui, ils ne sont plus rien. « » Ils sont de moins en moins nombreux et ont toujours autant de travail, explique Michael Sinclair, psychologue dans une clinique à la City de Londres. Je vois de plus en plus d’employés en dépression, et même des grands patrons. Cet environnement est tellement compétitif qu’ils n’ont pas le droit de montrer le moindre signe d’abattement. Au contraire, ils font la course au « présentéisme ». Ils donnent leur vie à leur travail, ça fait partie du deal. Sauf que, maintenant, ils n’ont plus les mêmes garanties, notamment financières. » Beaucoup choisissent de changer de voie, certains reprennent des études et les jeunes diplômés refusent d’y aller.

Parmi ces grands brûlés de la finance qui s’appliquent encore à masquer leurs blessures, il en est un qui n’a pu cacher les siennes : Antonio Horta-Osorio. A 47 ans, le directeur général de la banque de dépôt britannique Lloyds Banking Group (LBG, sauvé par l’Etat en 2009) a été contraint de quitter ses fonctions momentanément en novembre 2011. Motif ? Burn-out. Du jamais-vu dans la finance. Après plusieurs nuits blanches et des mois de pression, il a passé quelques jours dans une clinique privée et s’est absenté pendant deux mois. Arrivé moins d’un an plus tôt, ce Portugais d’origine, transfuge de la banque espagnole Santander, avait été accueilli comme le Messie. Chargé de remettre l’établissement sur pied, il avait lancé un vaste programme de réduction des coûts : vente de 632 succursales, 15 000 suppressions d’emplois avant la fin 2014, un plan d’économie de 2,7 milliards d’euros. Grisé par ses précédents succès, il a voulu mener la bataille seul et a » oublié » de déléguer. Il a reconnu son erreur, assuré être remis à 100 %, et le conseil d’administration a accepté son retour en début d’année. Le 13 janvier, il annonçait officiellement renoncer à son bonus estimant que sa rémunération » doit refléter la performance du groupe mais aussi les circonstances financières difficiles auxquelles font face de nombreuses personnes « , a-t-il expliqué dans un communiqué.

Alors que le secteur bancaire multiplie les licenciements (aux Etats-Unis et en Europe, le secteur a perdu 120 000 emplois) et que les rémunérations variables chutent (chez Goldman Sachs, le » bonus day » a tourné au vinaigre avec une baisse de 40 % des primes) au profit des salaires fixes, la crème de la finance apparaît toujours aussi réticente face à l’autocritique. Le mea culpa n’est toujours pas de saison. La plupart pleurent leurs bonus perdus alors qu’ils ont plongé le monde dans la crise. Il a fallu un tollé national et la pression du gouvernement pour que Philip Hampton, le grand patron de la Royal Bank of Scotland (RBS) – sauvée de la banqueroute au prix d’une coûteuse nationalisation partielle -, et son numéro 2, Stephen Hester, renoncent fin janvier à leurs bonus, respectivement de 1,7 million et 1,15 million d’euros. Dans les jours qui suivirent, Fred Goodwin, dit » Sir Fred « , l’ancien patron de la RBS, jugé responsable de la faillite de la banque écossaise, était déchu par la reine Elizabeth II de son titre de chevalier, octroyé en 2004 pour » services rendus au secteur bancaire « . Une décision rarissime.

à New York, certains courtiers de la banque d’affaires Jefferies menacent de quitter leur emploi si leur rémunération diminue. » Ils continuent de voir les banques empocher des milliards, ils veulent leur part du gâteau « , résume Robert Ottinger, avocat spécialiste en droit du travail à New York qui défend certains financiers. A Londres, 104 traders de la banque allemande Dresdner Kleinwort, intégrée à la Commerzbank, se sont unis pour attaquer leur employeur et exiger devant les tribunaux le paiement de 50 millions d’euros de bonus qui leur auraient été promis. Certains demandent 20 000 euros, d’autres, 2 millions. Le procès a démarré le 25 janvier. » Ils se sentent lésés, explique Clive Zeitman, l’un de leurs avocats. Leur employeur leur a fait des promesses pour s’assurer qu’ils n’iraient pas voir ailleurs, ils ont fait gagner des milliards, ils estiment y avoir droit. « » Dans ce milieu, l’argent, c’est la seule reconnaissance, souligne Vincent. Sans bonus, on n’est plus rien. « 
» Il n’y a aucune logique sociale ni éthique, confirme le psychiatre Michel Debout. De l’extérieur, ils sont si étrangers à nos préoccupations qu’on a du mal à imaginer qu’ils soient en état de souffrance. Quand on parle de bulle financière, il s’agit aussi d’une bulle qui les sépare du reste de la société. « » Ils sont tellement habitués à brasser des sommes considérables que les montants des indemnisations leur paraissent dérisoires, confie un avocat parisien. Ils ont la conviction qu’on leur fait porter le chapeau. « Vincent, lui aussi, songe à poursuivre son ancien employeur en justice. Il veut en finir pour de bon avec ce cauchemar qui raconte toujours la même histoire : les banques sont trop grandes pour tomber, et lui, trop petit pour compter.




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