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10 févr. 2012

Des demandeurs d'emploi déjà sous la contrainte

L'annonce faite par Nicolas Sarkozy, dans Le Figaro Magazine du 11 février, de rendre "obligatoire", pour le demandeur d'emploi, le suivi une "formation qualifiante" après "quelques mois " de chômage viendrait, si elle se concrétisait, durcir un arsenal déjà contraignant.
Dans le projet de M. Sarkozy, le demandeur d'emploi devrait ensuite accepter "la première offre d'emploi correspondant au métier" pour lequel il a été formé. Ce dispositif rappelle celui de l'offre d'emploi dite raisonnable, actuellement en vigueur. Et qui peine à s'appliquer.La loi du 1er août 2008 relative aux "droits et devoirs des demandeurs d'emploi"constitue la dernière grande réforme en la matière. Elle avait été très critiquée par les syndicats, notamment au regard des sanctions prévues à l'encontre des allocataires de l'assurance chômage qui refuseraient deux offres d'emploi dites"raisonnables". Les syndicats jugeaient que ce dispositif faisait peser une suspicion de fraude sur les allocataires.

Concrètement, aujourd'hui, lors de son inscription à Pôle emploi, le demandeur d'emploi définit, avec un conseiller de l'agence, son projet personnalisé d'accès à l'emploi (PPAE), qui est actualisé ensuite tous les trois mois. Le PPAE définit les caractéristiques de l'emploi recherché : qualification, nature du contrat (à durée indéterminée ou déterminée, à temps plein ou partiel), salaire attendu, zone géographique souhaitée.

SUSPENSION DE L'ALLOCATION

Sur cette base sont proposées des offres d'emploi correspondant à ces critères et considérées comme des offres raisonnables d'emploi (ORE). Le refus, "sans motif légitime", de deux ORE, conduit à la suspension, pour une durée de deux mois, du versement du revenu de remplacement perçu par le demandeur d'emploi.

La définition de l'ORE évolue avec le temps. Ainsi, lorsque le demandeur d'emploi est inscrit à Pôle emploi depuis plus de trois mois, est considérée comme ORE une offre compatible avec ses qualifications et ses compétences professionnelles et rémunérée à hauteur d'au moins 95 % de son salaire antérieur. Ce taux est porté à 85 % au bout de six mois.

A cette date, un autre critère change. Est une ORE une offre entraînant, à l'allercomme au retour, entre le domicile et le lieu de travail, un temps de transport en commun d'une heure au maximum ou une distance à parcourir d'au plus 30 kilomètres. Ces mêmes critères sont retenus au bout d'un an d'inscription, mais l'exigence salariale est encore revue à la baisse : l'emploi doit être rémunéré au moins à hauteur du revenu de remplacement. Le refus d'une formation peut aussiconduire à la suspension du versement de l'allocation. D'abord durant quinze jours. Puis, en cas de "manquements répétés, la suspension est d'un mois à six mois", précise-t-on à la direction de Pôle emploi.

Combien y a-t-il de radiations pour refus de deux ORE ? La statistique n'est pas connue, selon Pôle emploi, qui ne dispose que du nombre total de radiations administratives (41 000 en décembre 2011), tous motifs confondus (absence à une convocation, absence d'actes positifs de recherche d'emploi, refus d'ORE, etc.). Mais "la loi est appliquée strictement", assure Pôle emploi, tout en précisant que les conseillers disposent d'une "petite marge de manœuvre". "Pôle emploi n'est pas une machine", ajoute-t-on.

Les syndicats interrogés sont plus nuancés. "Des agents appliquent les sanctions pour refus d'ORE mais majoritairement, il n'y a pas de zèle, parce que dans bien des cas, il n'y a tout simplement pas d'offre", souligne Sylvette Uzan Chomat, représentante du SNU-FSU, premier syndicat de Pôle emploi. "L'ORE obéit à des règles strictes, qui correspondent difficilement à des offres", ajoute Bernadette Billey, déléguée syndicale centrale CFDT à Pôle emploi. Mais de toute manière, constate Christine Brouh, déléguée syndicale du SNU-FSU Ile de France, "les salaires proposés dans les offres ont chuté, et les demandeurs d'emploi diminuent, de fait, leurs prétentions."

RISQUE DE DÉQUALIFICATION

Dans ce contexte, le projet annoncé par Nicolas Sarkozy ne convainc pas ces syndicalistes. "Les gens ne sont pas des objets qu'on façonne, souligne Mme Billey.Or, il y a là une volonté d'obliger les demandeurs d'emploi à aller vers un projet professionnel qui n'est pas forcément le leur. Cela signifie qu'ils ne seront pas très motivés pour suivre la formation et trouver un emploi." Pour elle, le problème est pris à l'envers : "Des demandeurs d'emploi sont tout à fait partants pour se formeret trouver des emplois. Mais souvent, ils ne le peuvent pas parce que nous ne trouvons pas les financements nécessaires."

Autre crainte : "On va mettre en place rapidement des formations, qui risquent d'être centrées sur les métiers en tension et d'entraîner les demandeurs d'emploi vers une spirale de déqualification", redoute Mme Uzan Chomat. En outre, pointe-t-elle, "l'annonce est faite dans une sorte de précipitation", qui n'est pas compatible avec "la réflexion nécessaire" pour bâtir des formations qualifiantes correspondant à des secteurs d'avenir

Francine Aizicovici
Source: Le Monde

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