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9 déc. 2011

Affaire du Carlton : soupçons autour d'une photo

La justice s'interroge sur un cliché pris à Washington dans le bureau de DSK au FMI avec Jacques Mellick fils et l'ex-patron d'un groupe de cliniques.
Sur cette photo prise à Washington et parue par erreur en une de "La Voix du Nord",
 Jacques Mellick fils (à gauche) et Patrick Pique (à droite) sont en compagnie de
 Dominique Strauss-Kahn. © La Voix du Nord


La photo prise à Washington a été malencontreusement publiée à la une de La Voix du Nord, le 25 octobre. On y voyait, dans le bureau de DSK, au FMI, poser trois hommes, en apparence heureux d'être ensemble : Dominique Strauss-Kahn, encore patron de l'institution internationale, Jacques Mellick fils, président du mouvement À gauche en Europe 62, relais de DSK dans le Pas-de-Calais, et enfin Patrick Pique, ancien directeur général de l'Association hospitalière Nord-Artois cliniques (Ahnac), poids lourd d'offres de soins dans la région Nord-Pas-de-Calais. 
Par erreur, ce dirigeant était présenté par le journal local comme étant Fabrice Paszkowski, l'organisateur des fameuses parties fines tarifées, mis en examen et écroué dans l'affaire du Carlton. La photo avait été prise à Washington en marge des escapades organisées par Fabrice Paszkowski. Le lendemain, un rectificatif a été aussitôt publié par La Voix du Nord, mais celui-ci n'a eu pour effet que d'amplifier la rumeur. Et multiplier les interrogations. Notamment au sein de l'Ahnac, qui connaît des turbulences financières : perte d'exploitation 2010 entre 3 et 5 millions d'euros, emprunts redevables à hauteur de 49 millions d'euros, dette cumulée de 213 millions d'euros, plan de départs volontaires... Une situation économique d'autant plus paradoxale que l'activité de l'association a crû dans le même temps à un rythme supérieur à la moyenne régionale. En mai dernier, l'Ahnac a été placée sous administration provisoire par l'Association régionale de santé du Nord-Pas-de-Calais (ARS).

Qui a donc payé la note ?

Que faisait l'ancien directeur général à Washington ? La question taraude les salariés. Patrick Pique était-il aux États-Unis au nom de l'Ahnac ? Le poison de la rumeur se propage au sein de l'association. Et si ce voyage avait un rapport avec les escapades tarifées organisées par Fabrice Paszkowski pour faire plaisir à DSK ? "J'attaquerai tous les médias qui feront l'amalgame entre cette photo, mon voyage aux États-Unis et l'affaire de prostitution du Carlton", menace d'entrée Patrick Pique quand Le Point tape à sa porte. L'ex-dirigeant a quitté précipitamment l'Ahnac, en mai dernier, mais vit toujours dans son logement de fonction qu'il a racheté à son ancien employeur au sein de la polyclinique de Liévin. Le maire de cette commune, Jean Pierre Kucheida, aujourd'hui dans le collimateur de la justice, fait, à ce titre, partie du conseil d'administration de l'Ahnac, et il est un ami d'enfance de Patrick Pique.

Le voyage avec Jacques Mellick ? "Une coïncidence", confie au Point Patrick Pique. "On est amis depuis longtemps. Quinze jours avant mon départ pour Washington, il m'a dit qu'il partait là-bas aussi. Nos dates correspondaient. Je suis resté là-bas quatre jours."

Le séjour a eu lieu en fait les 24, 25 et 26 janvier 2010. Selon l'ex-directeur de l'Ahnac, il s'agissait d'un voyage d'étude décidé par l'Élysée au moment où Obama faisait sa réforme de la santé. Étaient du voyage le directeur de l'ARS, le directeur de l'hôpital de Valenciennes et Raphaël Radanne, conseiller santé de Sarkozy à l'époque. "La ministre de la Santé américaine souhaitait rencontrer des responsables français", explique Patrick Pique. Selon lui, c'est l'ARS qui aurait pris en charge le billet d'avion et le séjour à Washington. Sauf que l'ARS, contactée par Le Point, confirme bien ce voyage et son objet, mais dément catégoriquement toute prise en charge. Qui a donc payé pour Patrick Pique ? Contacté de nouveau, par téléphone, celui-ci affirme cette fois que c'est l'Ahnac qui aurait payé la note.

Voyage prolongé

En réalité, le déplacement était organisé par la société Cerner, une société américaine de logiciels de gestion d'hôpitaux. Le petit groupe s'est notamment rendu à l'hôpital de Richmond, en Caroline du Nord, pour découvrir les outils de gestion de cet établissement "Nous avons effectué le vol Paris-Washington tous les quatre, affirme Raphaël Radanne. C'est l'Élysée qui a payé mon billet. Je n'avais jamais vu auparavant Patrick Pique, je ne l'ai jamais revu ensuite. Il n'a pas repris l'avion avec nous. J'ai appris qu'il restait pour rencontrer DSK."

Contactée par Le Point, la nouvelle direction de l'Ahnac, qui joue la transparence, a commencé par démentir avec force : "impensable" a-t-elle déclaré. Avant d'effectuer des recherches. Et là surprise : elle a retrouvé dans ses cartons la facture d'une nuitée d'hôtel aux États-Unis réglée avec la carte bleue professionnelle de Patrick Pique, le 27 janvier. Puis une autre facture de 879,34 euros adressée à l'association hospitalière par Cerner, correspondant aux frais du voyage (vol aller-retour, hébergement et transfert en minibus). 

Et la photo avec DSK ? "C'est Jacques Mellick qui m'a proposé de me présenter DSK", explique Patrick Pique. Il précise : "Ce jour-là, dans le bureau de DSK, j'ai croisé Fabrice Paszkowski et le commissaire Jean-Christophe Lagarde (tous deux mis en examen dans l'affaire du Carlton). La photo a été prise par une assistante de DSK."
Le témoignage de Jade

C'est Jade, une ancienne prostituée, qui, le 4 novembre dans le journal Nord Éclair, a été la première à évoquer ce voyage de la fin janvier 2010 à Washington. Elle a affirmé avoir couché avec DSK et avoir été prise en photo avec lui dans son ancien bureau du FMI. Des faits qu'elle a confirmés aux policiers lors de son audition. Dans l'interview au journal Nord Éclair, elle a reconnu aussi avoir eu, après le départ de DSK, "une relation avec une personnalité française connue". Jusque-là seulement, trois voyages outre-Atlantique avaient été évoqués, concernant décembre 2010 ainsi que février et mai 2011. 

Selon nos informations, Ida Chafaï, juge chargée du volet financier dans l'affaire du Carlton, s'interroge sur les relations que pouvaient entretenir l'ancien directeur général de l'Ahnac et Fabrice Paszkowski, gérant de Médicalis Développement. La photo prise à Washington et parue malencontreusement dansLa Voix du Nord aurait mis la puce à l'oreille de la magistrate, qui s'intéresserait aussi aux liens entre Fabrice Paszkowski et Jacques Mellick fils. Le fils de l'ancien député-maire de Béthune a fait savoir auPoint, par l'intermédiaire de son avocat, Lef Forster, qu'il s'est bien rendu à Washington à deux reprises - la première fois fin janvier 2010, la seconde les 11, 12 et 13 mai 2011. Ces deux voyages, qui ont été financés par ses soins, auraient eu à chaque fois pour objet la préparation de la campagne présidentielle du futur candidat socialiste. "Comme l'indiquent les protagonistes entendus par la police dans le cadre de l'affaire du Carlton, Jacques Mellick n'a jamais participé à une partie fine", précise Me Forster.
Contreparties ?

En fait, Fabrice Paszkowski est un ami d'enfance de Miguel Mellick, frère de Jacques fils, avec qui il a été associé dans une entreprise de matériel paramédical. Encarté au PS - il s'est engagé plus tard aux côtés de Jacques Mellick fils, lequel était chargé dès 2004 de développer localement les réseaux strauss-kahniens au sein du mouvement À gauche en Europe. Voilà pour le lien politique. Côté professionnel, Mellick Engineering, une des sociétés de Jacques Mellick fils, aurait commercialisé, un temps, des automates préparant des sachets-doses de médicaments pour les maisons de retraite. Le brevet de ce procédé a été acquis aux États-Unis par Fabrice Paszkowski.

Aujourd'hui, la juge Ida Chafaï, qui a lancé plusieurs commissions rogatoires, cherche à savoir si Fabrice Paszkowski a obtenu à travers sa société Médicalis d'éventuelles contreparties de la part d'élus socialistes proches de DSK, pour lequel le très entreprenant gérant organisait des parties fines tarifées à Paris, à Washington, à Bruxelles...
Équipements 

Médicalis Développement, société holding de Fabrice Paszkowski spécialisée dans la location et l'achat de matériel médical, est l'un des partenaires de l'Ahnac. En 2010, le montant des contrats passés entre Médicalis et l'Ahnac avait rapporté 132 000 euros à la société de Fabrice Paszkowski. Une somme peu significative, selon une source syndicale. Cette année-là, l'Anhac était déjà en cessation de paiement et aucun nouvel établissement, susceptible de recevoir du matériel médical neuf, n'avait été ouvert. Les années précédentes, la société Médicalis a-t-elle pu réaliser des affaires plus juteuses avec l'Ahnac ? C'est un des points sur lequel la juge Ida Chafaï enquête aujourd'hui.

LePoint.fr

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