Laurent Gbagbo reste campé sur ses positions, refusant de céder aux pressions. © REUTERS |
DECRYPTAGE - L’ex-président ivoirien est soupçonné de crimes contre l'humanité.
Placé en détention dans le nord de la Côte d’Ivoire depuis avril 2011,Laurent Gbagbo a voyagé à nouveau à l’étranger, mais sous bonne garde cette fois. Mercredi, il est arrivé à La Haye aux Pays-Bas pour s’expliquer sur son rôle dans la crise qui a ensanglanté la Côte d’Ivoire pendant quatre mois. L'ex-président ivoirien Laurent Gbagbo a découvert qu'il était soupçonné de crimes contre l'humanité. Europe1.fr fait le point sur ce dernier épisode de la crise ivoirienne.
Pourquoi Laurent Gbagbo est-il poursuivi ?
Lors de la dernière élection présidentielle en novembre 2010, Laurent Gbagbo avait refusé de reconnaître sa défaite, dénonçant "un complot" et provoquant un conflit armé de deux semaines suivi d’une guerre civile larvée faisant au moins 3.000 morts et de nombreuses victimes civiles, notamment à Duékoué.
De quoi est-il soupçonné ?
Textuellement, Laurent Gabgbo est soupçonné de quatre chefs de crimes contre l'humanité en tant que coauteur indirect, "pour quatre chefs de crimes contre l’humanité à raison de meurtres, de viols et d’autres violences sexuelles, d’actes de persécution et d’autres actes inhumains", a annoncé la CPI dans un communiqué. "Il y a des motifs raisonnables de croire qu'au lendemain des élections présidentielles en Côte d'Ivoire, les forces pro-Gbagbo ont attaqué la population civile à Abidjan et dans l'ouest du pays. Elles ont pris pour cibles des civils qu'elles pensaient être des partisans d'Alassane Ouattara et les attaques étaient souvent dirigées contre des communautés ethniques ou religieuses spécifiques", indiquent les juges de la CPI dans le mandat d'arrêt émis sous scellés le 23 novembre.
Pourquoi la CPI se penche-t-elle sur la crise ivoirienne ?
C’est à la demande du nouveau président ivoirien, Alassane Ouattara, que la CPIconduit depuis octobre sa propre enquête sur des crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis pendant la crise post-électorale de décembre 2010 à avril 2011.
Qu’est-ce que la CPI ?
La Cour pénale internationale est le premier tribunal international permanent chargé de poursuivre des auteurs de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et de génocide commis depuis 2002. La Cour n'intervient que si la justice nationale ne peut pas ou ne veut pas traiter les crimes tombant sous sa juridiction. Il est le premier ex-chef d'Etat à être écroué à la CPI.
Où est incarcéré Laurent Gbagbo ?
Mercredi soir, l'ancien président ivoirien, 66 ans, va passer sa première nuit dans le quartier pénitentiaire de la CPI, aménagé dans l'enceinte d'une prison à La Haye. Les détenus disposent de cellules individuelles équipées notamment d'un ordinateur leur permettant de "travailler sur leur dossier". Ils peuvent suivre des cours d'informatique, utiliser un terrain d'exercice en plein air et participer à des activités sportives et de loisirs. Ils sont également autorisés à cuisiner et peuvent recevoir leur famille. Le greffier de la CPI Silvana Arbia, chargé de l'administration du quartier pénitentiaire, "s'efforce de garantir le bien-être mental, physique et spirituel des personnes détenues", affirme la Cour sur son site internet.
Quelle sont les prochaines échéances qui l'attendent ?
Très rapidement, Laurent Gbagbo va comparaître devant la chambre préliminaire. Cette audience servira notamment à vérifier son identité, à l'informer des crimes qui lui sont imputés et des droits que lui reconnaît le Statut de Rome, traité fondateur de la Cour. Lors de ce premier contact avec la justice internationale, Laurent Gbagbo devrait connaître la date "à laquelle elle entend tenir l'audience de confirmation des charges", étape préalable à la tenue d'un éventuel procès.
Une étape lors de laquelle le procureur doit convaincre les juges qu'il existe des "motifs substantiels de croire que la personne a commis chacun des crimes qui lui sont imputés" et que les preuves qu'il a recueillies sont assez solides pour la tenue d'un procès. Luis Moreno-Ocampo, le procureur, paraît assez sûr de son fait. "L’enquête suit son cours. Nous continuerons de recueillir des éléments de preuve en toute impartialité et en toute indépendance, et nous saisirons la Cour d’autres affaires, quelle que soit l’affiliation politique des personnes concernées", a-t-il expliqué.
Quelles sont les réactions en Côte d’Ivoire ?
La République ivoirienne, désormais dirigée par Alassane Ouattara, a promis à la CPI sa pleine coopération. Depuis plusieurs semaines, le nouveau pourvoir ne cachait d’ailleurs pas son impatience de voir Laurent Gbagbo transféré à La Haye, présentant parfois cet éloignement comme une condition de la "réconciliation".
Mais le camp Gbagbo, qui dénonce une "justice des vainqueurs" alors qu'aucun responsable pro-Ouattara n'a été inquiété, a réclamé la libération de son champion. "Cette décision de la Cour Internationale de Justice est illégale et va à l’encontre des intérêts du pays et de la réconciliation nationale", a réagi Lucie Bourthoumieux, qui représente Laurent Gbagbo à Paris, avant d'ajouter : "au lieu d’oeuvrer pour la réconciliation nationale, la CPI exacerbe les antagonismes entre toutes les parties en présence, alors que la situation appelle une solution politique et locale, qui ne pourrait résulter que d’un dialogue entre celles-ci".
Publié le 29 novembre 2011 à 19h33Mis à jour le 30 novembre 2011 à 11h53
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