S'il n'y avait pas le «parc Gezi» et la «Place Taksim», les troubles qui frappent la Turquie actuellement auraient inéluctablement eu lieu dans un avenir proche car la rue turque est devenue tellement congestionnée d'exacerbation à l'encontre des politiques d'Erdogan, et parce que toute conduite entreprise par ce Premier ministre qui a promis un jour de réduire à zéro les problèmes de la Turquie aurait provoqué un problème et produit l'étincelle génératrice de l'explosion.
Mais les circonstances ont voulu que les flammes se répandent à partir du «parc Gezi» et de la «Place Taksim», un endroit riche en significations et un projet gouvernemental d'aménagement urbain riche quant à lui en des significations plus grandes encore.
Le «parc Gezi» es épris d'inhaler un peu d'air qui conserve encore un peu de fraicheur. Ces arbres ont justement été choisis par le gouvernement Erdogan pour être présentés, avec une bonne partie de la «place Taksim», comme offrande sur l'autel des étroits intérêts personnels, qataris et turcs, mais aussi sur celui de «l'ottamanisation» de la Turquie à laquelle s'ajoute le fait de punir un endroit où les manifestations ont été interdites durant des années rien que par ce qu'il témoigne des luttes du peuple turc contre ses gouverneurs indus.
Le projet d'aménagement urbain que le gouvernement Erdogan compte lancer à cet endroit est un centre de loisirs et de distraction ainsi qu'un gigantesque centre commercial appartenant tous les deux à des investisseurs qataris et des proches d'Erdogan. En d'autres termes, un tentacule supplémentaire de la pieuvre que représentent des dizaines de centres commerciaux répandus partout dans la ville. Plus grave encore, aux yeux des gauchistes assez nombreux en Turquie, il s'agit de la «privatisation» d'un lieu public qui s'ajoute aux privatisations qui ont touché tous les secteurs de la Turquie.
A côté du centre commercial et de loisirs, une caserne militaire ottomane que le gouvernement Erdogan entend reconstruire pour affirmer une identité contre laquelle la Turquie a lutté tout au long d'un siècle pour s'en débarrasser pour le compte d'une laïcité et d'une modernité revendiquée même par le parti de la Justice et du Développement malgré la difficulté de les concilier avec l'ottomanisation et une forme d'islamisation inquiétante ou, du moins, discutable.
Et à côté de la caserne, une mosquée qui présente les mêmes caractéristiques mentionnées.
Non loin de la «place Taksim», et au milieu des troubles qui secouent la Turquie, Erdogan n'hésite pas de mettre de l'huile sur le feu : Il décide de construire un troisième pont sur le Bosphore. Il provoque ainsi un problème non à cause du pont mais à cause du nom qu'il décide de donner au pont : «Le pont du vaillant sultan Selim». C'est-à-dire, en plus de l'ottomanisation refusée en tant que telle par beaucoup de Turcs, une ottomanisation à visage ouvertement sectaire qui a suscité la colère de 20 millions de Turcs alaouites qui se souviennent toujours de la répression qu'a fait subir le sultan mentionné à leurs ancêtres.
Tout cela, mais surtout les attitudes défiantes et arrogantes prises par Erdogan parallèlement à l'évolution de la crise, expliquent l'exceptionnelle rapidité du passage d'une réunion de quelques centaines de manifestants dans le «Gezi parc» à ce bouleversement qui a envahi toute la Turquie.
«Extrémistes», «racaille» et «voyous». Tels sont les qualificatifs donnés par Erdogan aux participants à plus de 250 manifestations de protestation qui sont sorties dans les villes turques pendant les deux premiers jours de l'insurrection. Obstination à vouloir exécuter son projet urbain et menaces de faire descendre dans la rue ses partisans qui constituent, selon lui, 50 pour cent du peuple turc.
Avec toute l'irresponsabilité qui marque ces menaces. Car, à supposer que les 47 pour cent des Turcs qui ont voté pour les derniers en date de ses amendements constitutionnels lui sont toujours fidèles, et qu'une partie d'entre eux n'est pas passée dans les rangs de l'opposition, il n'est pas correct de la part d'un gouverneur de menacer la moitié de la société qu'il gouverne par l'autre moitié. Sauf, s'il sert un plan visant à la destruction de son propre pays.
Toutefois, il s'est contenté jusqu'à présent de faire intervenir la police. Istanbul, Ankara, Izmir et tant d'autres villes turques se sont transformées en champs de batailles. Des barricades, des incendies, des accrochages, des destructions, des milliers d'arrestations et de blessés. Deux manifestants ont été tués selon Amnesty International. Mais les autorités restent muettes, elles qui n'ont reconnu que le quart des 177 victimes des deux attentats de Reyhanli.
Que l'on s'arrête ou non devant l'attaque menée par des manifestants turcs contre l'hôtel qu'habitent à Adana les membres de ce qu'on appelle la Coalition de l'opposition syrienne, les positions du gouvernement turc envers ce que 75 pour cent du peuple turc considèrent comme un complot contre la Syrie expliquent l'accroissement de l'indignation vis-à-vis de ce gouvernement et de son président, surtout dans les conditions de la sympathie qu'il échange avec les régimes du Printemps arabe et leurs inquiétantes émanations.
Avec l'accélération et l'extension de l'insurrection en Turquie, de nombreux observateurs commencent à entrevoir un Printemps turc. Mais ce qui commence, en réaction à la maladresse des nouveaux janissaires, est plutôt un été turc chaud, extrêmement chaud.
Source : french.alahednews
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