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12 déc. 2011

Pas de véritable "après Mediator" sans une expertise sanitaire indépendante

Dans le prolongement des enquêtes et des propositions de réforme qu'avait suscité le scandale du Mediator, des événements récents ont attiré l'attention sur le rôle des experts sanitaires dans les décisions de santé publique.

C'est d'abord la réévaluation à la baisse de l'efficacité des médicaments anti-alzheimer par la haute autorité de santé. Contrairement à la première évaluation en 2007, cette réévaluation a été menée sur la base de travaux d'experts choisis sans liens d'intérêts avec les firmes commercialisant ces médicaments. Avec des experts indépendants des firmes, le service médical rendu (SMR) par ces médicaments, d'important est devenu faible. Mais cette avancée a reposé sur l'engagement exceptionnel de quelques experts "militants". Tout sauf une solution durable.

C'est ensuite la nomination, révélée par Le Figaro, à un poste de direction à l'Afssaps, après avis d'un cabinet de recrutement, d'un "expert" qui avait été en charge du dossier du Mediator à l'Afssaps, après avoir travaillé pour Servier au développement d'un produit similaire, l'Isoméride. Le ministre a rapidement mis fin à cette nouvelle "boulette" de l'Afssaps, mais la question reste posée de la meilleure façon de nommer des experts : les "cabinets de recrutements", au service de la rentabilité des entreprises, sont-ils l'outil adapté ?

C'est enfin la mise en ligne par Libération de l'enregistrement audio d'une réunion de cadres de la firme MSD s'inquiétant du fait que la Haute autorité de santé exige maintenant de connaître les noms des médecins leaders d'opinions qu'ils emploient, afin d'éviter de les recruter comme experts. Cette nouvelle attitude encourageante de la HAS est directement liée à l'action du Formindep qui a amené le Conseil d'Etat à demander à la HAS d'abroger des recommandations élaborées par des experts sous influences industrielles. Et ces cadres de la firme MSD de suggérer avec humour d'acheter les leaders d'opinion des autres firmes, afin de les rendre dépendants et de les empêcher de siéger comme experts à la HAS. Les experts actuels seraient donc potentiellement vénaux…

Ces trois événements le démontrent avec force : seule une expertise publique de haut niveau et qui aura totalement coupé les liens avec l'industrie, permettra des décisions sanitaires dans le seul intérêt de la population.

REFONDER UNE EXPERTISE PUBLIQUE DE HAUTE QUALITÉ

C'est sous ce titre que le Sénat, dans son rapport sur l'après-Médiator, reprenait une des propositions du Formindep de créer un corps d'état d'experts sanitaires publics de haut niveau et indépendants.

Ces experts recevraient une formation spécifique à l'université ou à l'Ecole de santé publique. En effet, être expert pour l'industrie ou expert pour la santé publique ce n'est pas le même métier. Cette formation serait ouverte aux experts actuels mais également à d'autres professionnels de santé, voire à des scientifiques non médecins. Pour les experts venant de l'industrie, cette formation permettrait le "sevrage" nécessaire pour se couper des influences et mettre leurs compétences au service de l'intérêt général seul. Cette expertise serait valorisée à travers une rémunération et un plan de carrière. Ces experts seraient mis à la disposition pour un mandat et une durée spécifiques des diverses agences sanitaires nationales, mais aussi européennes, comme l'Agence européenne du médicament.

Actuellement, et malgré les victimes du Médiator, les principaux experts français au sein de l'agence européenne du médicament, comme à l'Afssaps, restent les mêmes leaders d'opinions relais des intérêts industriels. C'est inacceptable.

Lors du vote du projet de loi sur la réforme du médicament, le "nouveau" sénat a introduit un amendement demandant au gouvernement la remise d'un rapport sur la création de ce corps public d'experts sanitaires. Le rapport du sénat conclut :"Deux critères doivent présider au choix des experts permanents : la compétence et l'absence de liens d'intérêts."

Cette expertise sanitaire nouvelle, libérée des intérêts commerciaux, réellement au service de la santé publique, et uniquement de la santé publique, doit exister rapidement, si on veut que l'"après-Mediator" ait un sens et ne soit pas qu'une incantation à visée électorale.

François Autain, sénateur honoraire, président de la mission d'information du sénat sur la réforme du système du médicament ;

Philippe Foucras, médecin généraliste, président du Formindep ;

Philippe Nicot, médecin généraliste, expert auprès de la HAS pour la réévaluation des médicaments anti-antialzheimer.

LeMonde.fr

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