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19 avr. 2015

Génocide arménien : une si lente reconnaissance


Le pape François a prononcé publiquement, le 12 avril, le terme de « génocide » pour qualifier les massacres des Arméniens, une première pour le Vatican. Ces massacres, considérés comme l'un des tout premiers génocides du XXe siècle, ont eu lieu entre 1915 et 1923.

Cent ans après, le bilan des victimes et des déportations reste un sujet controversé : les Arméniens estiment qu'environ 1,5 million des leurs ont été tués. Pour sa part, la Turquie considère qu'il s'agissait d'une guerre civile qui a fait 300 000 à 800 000 morts, autant du côté turc qu'arménien.

Plus que les chiffres, c'est la reconnaissance d'un génocide qui cristallise les tensions. Cette reconnaissance est devenue l'objet d'un conflit diplomatique et a notamment été un des points de friction lors des négociations entre la Turquie et l'Union européenne, en vue d'une adhésion éventuelle à celle-ci.

Les Nations unies définissent le terme de « génocide » aini :
«(...) l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux : meurtre de membres du groupe, atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe, soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle, mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe, transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe»

Le premier pays à reconnaître officiellement le massacre arménien est l'Uruguay, le 20 avril 1965. Le dernier en date est la Syrie, en mars 2015. Au total, seuls 23 pays l'ont reconnu

Des résolutions mais peu de lois en faveur de la reconnaissance du génocide arménien

Dans le cas de l’Australie comme de l’Espagne et des Etats-Unis, seuls certains Etats ont reconnu officiellement le génocide : respectivement la Nouvelle-Galles du Sud, l’Australie méridionale, la Catalogne et 43 États des États-Unis.

Il existe des différences entre ces reconnaissances. Dans la plupart des cas, il s'agit d'un projet de résolution soumis ou adopté par le Parlement. Aux Etats-Unis, par exemple, des résolutions sont plusieurs fois passées à la Chambre des représentants (1984) et à sa commission des affaires étrangères (2007), contre l'avis de Georges W. Bush, sans que ces textes ne deviennent force de loi.

A l'inverse, la France a reconnu publiquement le génocide arménien dans la loi dans la loi du 29 janvier 2001. De même, en Uruguay comme en Argentine et à Chypre, une loi y a été adoptée afin d'établir une journée nationale d'hommage aux victimes du massacre le 24 avril.
Des mots tabous

Même avec une résolution ou une loi affichées dans le sens de la reconnaissance du génocide, tous les pays ne s'engagent pas au même niveau. Un degré d'engagement qui se reflète dans le vocabulaire choisi. L'Uruguay, par exemple, ne parle pas de « génocide » mais de « martyr ». C’est le cas aussi de l'Allemagne, qui admet seulement « des déportations et des massacres ».

La Turquie n'est pas toujours désignée explicitement comme ayant une responsabilité dans les faits. Soit le texte ignore tout à fait de mentionner un auteur, comme celui du Vatican ou de la France par exemple, soit il reste assez flou et préfère citer « l'Empire ottoman », comme le Chili, la Syrie, la Suisse, l'Italie, le Liban ou la Belgique.

Effectivement, « ce génocide a été commis dans l'Empire ottoman, la Turquie ne fut constituée comme Etat qu'en 1923 », rappelle l'historien Yves Ternon, mais « elle se présente comme l'héritière de l'Empire ottoman, donc de son histoire ».
Stratégie diplomatique

Le choix de la reconnaissance ou non du génocide arménien est en tout cas toujours lié à une stratégie diplomatique. Cela explique pourquoi les Etats-Unis ont tellement de mal à avancer sur ce point, en dépit de son importante diaspora arménienne : la Turquie est une alliée de longue date de l'OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique Nord) et joue un rôle stratégique dans les intérêts américains au Moyen-Orient, comme l'explique cette étude de l'Iris.

Au Royaume-Uni, la question reste également très sensible, voire taboue. Ses diplomates ne parlent pas de « génocide » mais de « ce qui s'est passé entre 1915 et 1923 ». Le pays compte beaucoup de ressortissants turcs et tient à préserver de bonnes relations avec la Turquie. Ce qui n'a pas empêché les Parlements écossais et irlandais du Nord à voter une motion générale reconnaissant le génocide en janvier 2010.

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