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4 févr. 2014

Lobbying, dérives et pressions de l’américain Merck

Experts de l’agence du médicament payés par le labo, lobbying agressif, publicité mensongère… L’histoire du Victrelis est un concentré des dérives de l’industrie pharmaceutique. Libération, qui a eu accès à des documents confidentiels, lève le voile sur les pratiques douteuses du labo américain Merck et sur la compréhension des autorités à son égard. Résultat : malgré ses effets secondaires sévères, le Victrelis a été autorisé pour des malades qui n’en avaient pas besoin.

Tout commence début 2010. Merck teste un nouveau médicament contre l’hépatite C, maladie qui tue 3 500 personnes par an en France. La bithérapie guérit alors moins de 40% des malades (1). En y ajoutant le Victrelis (trithérapie), ça monte jusqu’à 66%. Un vrai progrès. Mais il convient d’être prudent : les essais sur l’homme ne sont pas tous finis, et la thérapie, qui peut durer près d’un an, provoque des effets secondaires très sévères (dépression, anémie, nausées…). Comme l’expliquent les patients, «Le traitement vous rend malade, mais vous avez une chance de guérir».

Un médicament contre l’hépatite C a été mis sur le marché en minimisant ses effets indésirables.
Mais Merck est pressé. Le 12 avril 2010, une délégation débarque à l’Agence française du médicament (2) pour demander une autorisation temporaire d’utilisation (ATU). Autour de la table, il y a Lawrence Serfaty, hépatologue à l’hôpital parisien Saint-Antoine et expert de l’agence pour les hépatites. Or, il a signé, six mois plus tôt, un juteux contrat de consultant avec Merck sur… le Victrelis ! Montant : 33 200 euros plus les frais. De surcroît, le Dr Serfaty n’a pas déclaré ce contrat précis à l’agence, se disant seulement consultant pour le labo depuis 2007. Joint par Libération, il indique avoir été «transparent» et ne pas s’être occupé de l’ATU, à l’exception d’une réunion, qu’il a quittée pour cause de conflits d’intérêts.

Pourtant, un document de Merck mentionne qu’il a joué un rôle dans l’évaluation du Victrelis. Si tel était le cas, le labo risque de violer la loi américaine anticorruption. En interne, c’est l’alerte. D’autant qu’il est prévu de verser 73 407 euros à Serfaty en 2011, l’équivalent de son salaire à l’hôpital. Le 2 décembre, une réunion de crise se tient autour du patron de Merck France, Guy Eiferman. Il appelle Serfaty et estime que tout est réglé : le médecin lui a dit qu’il n’«était plus» expert à l’agence «sur les dossiers nous touchant de près». Le 13 décembre, le Victrelis obtient son autorisation temporaire. Un mois plus tard, la première commande tombe. Elle émane du Dr Serfaty. Il a démissionné de l’agence en avril 2011 à cause de ses liens d’intérêts.

Evaluation. Merck doit maintenant décrocher une autorisation définitive auprès de l’Agence européenne du médicament (EMA). Fin 2010, elle confie l’évaluation à la France et aux Pays-Bas. L’agence tricolore désigne un expert pour l’aider : Dominique Guyader, hépatologue au CHU de Rennes. Un choix très discutable, puisqu’il a, lui aussi, des conflits d’intérêts. En janvier 2001, Merck a versé 13 880 euros à son association de recherche, pour un essai clinique sur… le Victrelis ! Le Pr Guyader a aussi été rémunéré par le labo pour une intervention et un compte rendu de congrès.

Joint par Libération, il dit que ses conflits d’intérêts étaient «mineurs», et qu’il a travaillé en toute indépendance. Si son évaluation ne s’étend guère sur les effets secondaires du Victrelis, il souligne en effet son manque d’efficacité sur certains patients, pour lesquels il déconseille le traitement. Au final, le rapport de l’agence française, que Guyader n’a pas rédigé, est favorable à la mise sur le marché.

Mais les Pays-Bas estiment au contraire que le médoc n’est pas commercialisable en l’état, malgré le fait qu’il guérit 70% à 80% de patients de plus que la bithérapie. Car le Victrelis n’augmente que très peu les chances de guérison chez certains malades (3). Il ne faut donc pas le leur prescrire, vu la «hausse des effets indésirables». La seconde crainte de l’agence néerlandaise porte justement sur l’explosion des cas d’anémie (baisse des globules rouges), qui touche 49% des patients. Pour compenser, il faut leur donner de l’EPO (le dopant favori des cyclistes), une molécule aux «effets secondaires considérables».

Campagne. Chez Merck, c’est l’alerte rouge. La commercialisation pourrait être retardée. Surtout, le Victrelis pourrait être interdit aux malades pour lesquels il est inefficace. Avec à la clé une réduction du marché, et des millions d’euros de manque à gagner. Insupportable. Le 26 avril, Merck lance une vaste campagne de lobbying : dans tous les pays européens, ordre est donné aux cadres d’aller dézinguer les arguments néerlandais auprès des «leaders d’opinion clés» (les médecins les plus influents) et des «agences de régulation». En juillet 2011, l’agence européenne avalise la position de la France et du labo : le Victrelis est autorisé pour tous les malades, à l’exception des cirrhotiques.

Article complet sur liberation.fr

Le National Emancipé 2014

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