Rien ne se passe comme prévu. Le tribalisme l'emporte sur le patriotisme, les milices triomphent de l'Etat. La terreur frappe, l'intégrisme est plébiscité, Aqmi se promène dans le Grand Sud. Voici les faits.
Ça se passe toujours de la même façon. Dans un décor explosé, entre les morceaux de fer et les flaques de sang, alors qu'on vient de ramasser ce qui reste du dernier cadavre, quelques centaines de jeunes gens, parfois deux ou trois femmes, crient : « Benghazi, réveille-toi ! » Ou encore : «Fanatiques et bandits, vous n'êtes pas la Libye !» C'était le 13 mai dernier, devant l'hôpital Al-Jala, quand une bombe a fait 15 morts. C'était le 11 septembre 2012, devant le consulat américain calciné où Christopher Stevens, l'ambassadeur des Etats-Unis, avait été tué avec trois autres diplomates dans l'assaut mené par les jihadistes d'Ansar al-Charia. Parmi les habitants qui protestaient quelques heures plus tard contre cette folie, on voyait même quelques femmes. Etroitement voilées, bien sûr, car une créature féminine non voilée en Libye, c'est inconcevable. Le 8 août 2012, lors de la passation des pouvoirs au parlement fraîchement élu, une présentatrice avait dû quitter la tribune au motif qu'elle était maquillée et ne portait pas de foulard. Un ordre de Moustapha Abdeljalil, le maître de cérémonie, qui venait d'achever sa tâche de président du Conseil national de transition. Abdeljalil, Bernard-Henri Lévy l'appelle «le père la victoire». Comme Clemenceau. Pas sûr que la comparaison tienne la route...