Curés sans soutane, confesseurs laïcs, psychanalystes sans divan, les notaires veillent sur nos mystères les plus inavouables. Tout en défendant bec et ongles de confortables rentes assurées par un statut en or massif. Enquête sur une profession des plus opaques.
Vénérable notaire en la bonne ville de Bourges, Me Bergerault, Bruno de son petit nom, brille par son atypisme. «En province, nous sommes les savants du quotidien, mais le quotidien vole souvent au ras du trèfle, c'est comme ça, madame ! On voit les gens dans des moments de paroxysme, des pics existentiels, mais tout cela ne garantit ni la grandeur des sentiments ni l'altitude de la pensée. Ah ça non, madame !» Verbe haut, formules canailles, répliques aux sonorités audiardesques, cet officier public-là est drôle. Une rareté dans une corporation dont les 9 300 membres ne sont pas franchement enclins à la gaudriole, mais une singularité qui s'arrête net aux bornes de l'éthique notariale. Du haut de ses vingt-cinq ans d'exercice, jamais Me Bergerault ne se laisse aller à prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages : renvoyer la clientèle à sa veule imbécilité, moquer «les ego qui jamais ne se curent» exposerait notre homme à la faute déontologique. «Qui trop méprise mal conseille», professe-t-il. Or la médiation pour concilier amants et concubines, trompés et cocufieurs, héritiers et spoliés fonde le cœur de métier de ceux qui s'autoproclament «magistrats de l'amiable».