Blogger Tips and TricksLatest Tips And TricksBlogger Tricks

1 déc. 2013

Liban : Les voyous de Tripoli, seconde ville du pays, dernière carte du Courant du futur

Tripoli, la deuxième ville du Liban, exemple de convivialité intercommunautaire pendant des décennies, riche par son histoire et fière de sa tradition de tolérance, est aujourd'hui sous le contrôle de voyous et de vandales, qui y font régner la terreur au nom de la «défense des intérêts de la communauté sunnite». 

Samedi matin, un jeune homme de Jabal Mohsen, Wassim al-Khatib, a encore été blessé des balles tirées dans les pieds par des justiciers autoproclamés.

Les agressions contre les habitants de Jabal Mohsen à Tripoli, pour la simple raison qu'ils sont alaouites, se sont multipliés depuis le mois d'octobre. Certes, la destruction des commerces et épiceries appartenant à des membres de cette communauté dans le quartier de Bab el-Tebbané et d'autres secteurs de Tripoli, avait commencé il y a près d'un an. Mais ces dernières semaines, ces actes se sont systématisés et «institutionnalisés», après l'émission de «fatwas» par certains cheikhs extrémistes pour justifier des crimes sectaires qu'aucune loi au monde ne peut couvrir ou accepter.

Le coup d'envoi de la nouvelle saison de «chasse aux alaouites» a été donné la dernière semaine d'octobre, lorsque 19 membres de cette communauté, des ouvriers, des employés et des fonctionnaires, ont été blessés dans des agressions planifiées. L'épisode le plus violent a eu lieu samedi 2 novembre, lorsque des éléments armés ont attaqué un bus transportant des travailleurs alaouites, faisant neuf blessés. Les assaillants ont ouvert le feu sur le bus et ont ensuite frappé certains des travailleurs. La scène, d'une violence inouïe, a été filmée et postée sur la Toile. 

Après quelques jours de répit, mis à profit pour exacerber les tensions communautaires, les agressions ont repris cette semaine d'une manière systématique. Au moins neuf personnes, dont un sexagénaire, ont été blessées par des inconnus. La méthode est toujours la même: les victimes, toutes alaouites, sont arrêtées, insultées, humiliées, battues, avant que des balles ne soient tirées dans leurs jambes ou leurs pieds. 

Un mystérieux «Comité militaire des proches des martyrs des explosions à Tripoli» a revendiqué ces actes criminels, présentés comme une punitive collective infligée aux membres de toute une communauté, sous prétexte que les auteurs du double attentat de Tripoli, qui a fait une quarantaine de morts, le 23 août, «sont originaires de Jabal Mohsen». Pourtant, de nombreuses zones d'ombres entachent l'enquête menée par le service de renseignement des Forces de sécurité intérieure (FSI), et médiatisée à outrance dans le but d'exacerber les tensions et de chauffer les esprits.

Les politiciens couvrent les milices

Selon des sources bien informées, les services de sécurité connaissent parfaitement l'identité des agresseurs et leurs commanditaires. Il s'agit des tristement célèbres «caïds des fronts», ces chefs de milices financés par des pays du Golfe -notamment l'Arabie saoudite-, parrainés par des cheikhs extrémistes et couverts par les hommes politiques de la ville, plus particulièrement ceux qui tournent dans l'orbite du Courant du futur.

Selon des sources de sécurité, les groupes de voyous chargés d'exécuter la sale besogne de la «chasse aux alaouites» relèvent des «caïds» Saad al-Masri et Ziad Alouki. Ces groupes comprennent des Libanais mais aussi des Syriens proches des rebelles. C'est cette même mouvance qui a assassiné, le 9 novembre, le cheikh sunnite modéré Saadeddine Ghiya. Le quotidien Al Akhbar indique à ce sujet que les deux principaux suspects dans ce crime ont fuit vers les zones syriennes contrôlées par les rebelles.

Les milices de Tripoli affirment ouvertement que leur objectif est d'infliger une punition collective à toute une communauté. Interrogé par L'Orient-Le Jour, Abed, l'un des chefs d'une milice de Tebbané, aujourd'hui réfugié dans un pays européen, affirme: «Nous continuerons de sévir tant que notre ennemi se trouve au cœur de notre ville». 

Les chefs des milices et les politiciens qui les protègent justifient ces crimes par «l'absence de l'Etat», qui est incapable, selon eux, de «punir les auteurs du double attentat de Tripoli». 

Mais si l'Etat est impuissant, c'est surtout à cause d'eux. Ces deux dernières années, les politiciens de la ville et leurs sponsors à l'échelle nationale ont développé un discours encourageant la sédition, justifiant le recours aux milices et, plus grave encore, mettant en doute l'efficacité et l'allégeance à la patrie de l'Armée libanaise.

Et lorsque les services de sécurité ont tenté d'accomplir leur mission dans la lutte contre les groupes extrémistes et les cellules terroristes, il se trouvait toujours quelqu'un, même dans les sphères officielles, pour entraver leur travail ou assurer une immunité aux plus dangereux criminels. Et après tout ce travail de sape systématique, certains s'étonnent encore de l'incurie de l'Etat.

L'absence de volonté politique déteint sur l'action des services de sécurité, qui se contentent de collecter des informations et d'observer, sans toutefois oser intervenir. De plus, la branche des renseignements des FSI, dont l'allégeance va plus vers le Courant du futur que vers l'Etat, est soupçonnée de faciliter l'action des milices.

Ce que se passe à Tripoli doit être analysé à travers un prisme plus large que celui d'une simple adversité locale. Le malheur de cette ville c'est qu'elle est devenue l'une des dernières cartes de pressions à disposition du Courant du futur et de l'Arabie saoudite -après les défaites successives essuyées par leurs alliés en Syrie-, et qui est utilisée pour exercer le chantage de la discorde au Liban.

Dans ce contexte, des sources bien informées assurent que lors de la rencontre entre le président de la République, Michel Sleiman, et le roi Abdallah d'Arabie saoudite, le chef du Courant du futur, Saad Hariri, a déclaré que «les armes (des milices) à Tripoli seront protégées, jouiront de toute la couverture, et aucun plan de sécurité ne réussira». «Ces armes resteront jusqu'à ce que le Hezbollah accepte de désarmer», aurait dit M. Hariri, selon le quotidien Al Akhbar.

Le chantage de la discorde à partir de Tripoli est une carte bien modeste dans le cadre de la confrontation régionale en cours. Une carte modeste, certes, mais douloureuses pour les habitants de la ville, otages de miliciens extrémistes qui ne représentent pas plus de 2% des Tripolitains.

Excédés par les agressions dont ils sont victimes, les habitants de Jabal Mohsen ont observé, vendredi, un sit-in populaire pour dénoncer la violence des voyous et l'indifférence de l'Etat. Le responsable politique du Parti arabe démocratique, Rifaat Eid, a mis en garde contre «une grande explosion sociale».

Il est temps que l'Etat se réveille et assume ses responsabilités avant qu'il ne soit trop tard. 


Aucun commentaire: