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1 déc. 2013

Inverser la courbe du chômage par Jacques Sapir

Les chiffres du chômage au 31 octobre 2013, publiés par la DARES à la fin du mois de novembre, ont suscité une nouvelle polémique. Il convient tout d’abord de rappeler certains faits :

(1) Ces chiffres correspondent aux « demandeurs d’emplois » inscrits à pôle emploi. Ils ne correspondent pas en tant que tels aux « chômeurs » car un certain nombre de ces derniers peut ne pas s’être inscrit ou avoir été radié des statistiques. De plus, dans des régions où les activités indépendantes sont importantes (artisanat, paysannerie) une dégradation de l’activité économique ne se traduit pas immédiatement par une hausse équivalente des demandeurs d’emplois. C’est ce qui explique, notamment, que la hausse du chômage soit, en apparence, moins forte en Bretagne que dans les Pays de Loire. Ce phénomène peut fausser dans certains cas l’analyse d’une situation locale.


Carte 1


Il est renforcé bien entendu par l’usage de catégories statistiques, qui ne sont pas maîtrisées par une bonne partie des commentateurs des chiffres de la DARES.

(2) Ces chiffres sont en effet donnés par « catégories »[1], et le plus souvent on ne retient que la « catégorie A ». Or, ces catégories, qui sont nécessaires pour comprendre la réalité d’un phénomène comme le chômage, doivent être regardées dans leur totalité. En fait, ces catégories sont les suivantes :

  • Catégorie A : demandeurs d’emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, sans emploi ;
  • Catégorie B : demandeurs d’emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, ayant exercé une activité réduite courte (i.e. de 78 heures ou moins au cours du mois) ;
  • Catégorie C : demandeurs d’emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, ayant exercé une activité réduite longue (i.e. de plus de 78 heures au cours du mois) ;
  • Catégorie D : demandeurs d’emploi non tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi (en raison d’un stage, d’une formation, d’une maladie…), sans emploi ;
  • Catégorie E : demandeurs d’emploi non tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, en emploi (par exemple : bénéficiaires de contrats aidés).

On constate que les « chômeurs », au sens habituel donné à ce terme, sont en réalité les personnes inscrites dans les catégories « A », « B » et « D » et non les seules personnes de la catégorie « A ». Les chômeurs « stricto sensu » correspondent aux catégories A et D. Il y a ensuite une catégorie de « quasi-chômeurs » qui comprend la catégorie « C » (personnes ayant travaillé plus de 78h par mois) et la catégorie « E » (bénéficiaires de contrats aidés). On constate que l’agrégat « A+B+D » a bien continué d’augmenter, même si la catégorie « A » a diminué en octobre 2013.

Graphique 1

Données de la DARES pour la France métropolitaine.



Graphique 2

Données de la DARES pour la France métropolitaine.


Le rythme d’accroissement moyen sur 12 mois pour l’agrégat A+B+D est de 0,5% par mois, et sa croissance en octobre de 0,28%. La catégorie « A » a baissé de -0,62%, mais les catégories « B » et « D » ont augmenté de 3,72% et de 3,10% respectivement en octobre. La combinaison de la baisse d’une catégorie et de la hausse rapide des deux autres nous donne une hausse totale de 0,28%. Il est donc faux de prétendre qu’il y a eu une quelconque inversion de la courbe en ce qui concerne les chômeurs au sens habituel du terme.

Graphique 3.


La hausse est encore plus nette dans les quasi-chômeurs, comme on le constate sur le graphique 4. L’agrégat des catégories « C » et « E » a augmenté de 3,5% en un mois, soit 44 000 personnes.

Graphique 4.

Données de la DARES pour la France métropolitaine.

Ceci témoigne de la forte montée du « temps partiel subi » dans l’économie française.

Si l’on regarde maintenant l’ensemble des catégories, englobant tant les « chômeurs » que les « quasi-chômeurs » on voit que le mouvement de progression que l’on constate depuis 2011 se continue.

Graphique 5

Données de la DARES pour la France métropolitaine.


En fait, le chiffre total atteint désormais les 5,5 millions de personnes. C’est bien à une véritable « marée noire » du chômage et du quasi-chômage que l’on est confronté et il n’y a aucun signe d’un renversement de cette tendance. Le nombre des chômeurs a augmenté en réalité de 0,28% en octobre et le nombre des quasi-chômeurs de 3,5%. Seule, une rupture radicale et décisive avec la politique suivie depuis ces dernières années est susceptible d’inverser durablement et en profondeur cette tendance. Mais, ceci implique que l’on dissolve l’Euro. Tout le reste n’est que littérature.


[1] La définition des catégories de demandeurs d’emploi est disponible dans la rubrique “Les mots du chômage” de la page “Chômage” du site Internet de la Dares :


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